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Blog Géoparc Jbel Bani
Nota d’investigación
La réserve de biosphère de l’arganeraie: un nouvel Eco‑territoire touristique au sud du Maroc (Maroc-Géoparc Jbel Bani)
Par Hassan Aboutayeb
Université Ibn Zohr d’Agadir (Marruecos)
Résumé:
La réserve de biosphère de l’arganeraie (RBA) est un territoire unique au sud du royaume du Maroc. Elle a décrochée ce statut en 1998 grâce à son écosystème, sa forêt d’arganier unique au monde et les multiples activités socioculturelles Amazighes (berbères) qui en découlent. La RBA regorge de potentialités touristiques naturelles, humaines et culturelles.
Aujourd’hui, il est primordial de mettre en place un Eco-territoire touristique dans cette région. Cela nées- site, tout d’abord, une parfaite connaissance de ce territoire et de ses enjeux ainsi qu’une approche intégrée et concertée avec l’ensemble des acteurs locaux. L’implémentation d’une stratégie globale et participative pourra intégrer la sauvegarde et la valorisation du patrimoine naturel et socioculturel, la mise à niveau de la qualité de l’offre, une promotion globale du territoire et de ses produits touristiques et un système d’autoévaluation de l’ensemble des actions menées dans la RBA.
Mots Clés: tourisme rural, réserve de biosphère de l’arganeraie, développement durable, éco-territoire, gouvernance.
Abstract:
The Argan Biosphere Reserve (ABR) is a unique territory in the South of Morocco. It has obtained this status in 1998 thanks to its ecosystem, its unique forest in the world and its numerous cultural Amazigh (Berber) activities. The ABR has a strong natural, human and cultural potential as far as tourism is concerned.
Nowadays, it is essential to establish a tourism eco-territory in this region. This requires, first of all, a perfect knowledge of the territory and its issues and the implementation of an integrated and coordinated approach with all the local stakeholders. The implementation of a comprehensive and participatory strategy will integrate the protection and development of the natural and socio-cultural heritage, the improvement of the quality of tourism structures, the global promotion of the territory and its tourism products as well as a self-assessment of every action in the ABR.
Key Words: rural tourism, argan biosphere reserve, sustainable development, eco-territory, governance.
1. Introduction
Au Maroc, depuis plusieurs décennies, l’agriculture qui constituait un catalyseur de développement pour les zones rurales est devenue une activité socio-économique de plus en plus précaire. Sécheresses structurelles et accélération de la désertification, manque de main d’œuvre et paupérisation, et dégradation croissante de ressources vulnérables en sont les principales causes. Dans ce contexte, les pouvoirs publics ont lancé plusieurs programmes ambitieux pour tenter de répondre à cette situation. Parmi ceux-ci, le tourisme rural est devenu un des axes stratégiques de ces nouvelles orientations en direction des arrières pays et des zones rurales les plus pauvres, avec notamment: la stratégie nationale de développement du tourisme rural1 élaborée en 2002 en collaboration avec l’OMT et le PNUD.
Au-delà de la lutte contre la pauvreté en zone rurale, cette stratégie avait un autre avantage pour le secteur touristique. Il s’agissait également de mieux réorienter les flux touristiques concentrés le plus souvent sur quelques pôles urbains classiques et ainsi de diversifier l’offre avant que celle-ci ne soit qualifiée de vieillissante ou saturée (Berriane 2002, Hillali 2008).
Le nouvel ancrage territorial renforcé et redynamisé par le tourisme rural permettrait également de valoriser le particularisme socio-culturel et patrimoniaux régionaux. D’un point de vue politique, cela pourrait contribuer à mieux intégrer les expressions identitaires territoriales telle «l’Amazighité2 » en objet d’attractivité touristique plutôt qu’en revendication sociale. Ces identités pourraient dorénavant mieux s’affirmer et per- mettre de donner une image plus conforme à la réalité par raport à celle préconçue qu’ont parfois les visiteurs sur ces communautés ou qui sont véhiculées dans les brochures ou guides touristiques.
Un second objectif était associé au premier: celui de la préservation de l’environnement. En effet, le Maroc possède de nombreuses aires protégées avec des taux d’endémisme exceptionnels, tant au niveau de la faune que de la flore, qui attirent de nombreux touristes ce qui n’est pas sans poser de problèmes environnementaux. L’augmentation mal contrôlée du tourisme dans certaines zones sensibles, l’absence d’une législation touristique dédiée à ces espaces et le manque d’encadrement ont parfois eu des conséquences négatives sur les écosystèmes fragiles. C’est notamment le cas du parc national du Toubkal dont la situation est assez préoccupante tout particulièrement en termes de capacités de charge et de gestion de déchets. La mise en place d’un tourisme rural durable dans les aires protégées marocaines avait le potentiel de devenir un outil efficace de conservation du milieu.
Mais, le Maroc, face à ce défi complexe et nouveau, a sollicité l’appui d’instances internationales. Ainsi, en 1998, une candidature de classement pour l’arganeraie en tant que réserve de biosphère a été adressée avec succès à l’UNESCO. La première réserve de biosphère marocaine: la réserve de biosphère de l’arganeraie (RBA) était créée dans le sud-ouest marocain afin d’une part de protéger son écosystème, la forêt d’arganiers unique au monde et d’autre part les multiples activités socioculturelles Amazighs (berbères) liées et indissociables de ce milieu. Le tourisme rural, national et international, dans cette réserve allait prendre une nouvelle dimension et servir de modèle aux autres aires protégées.
Dès lors, en quoi le tourisme rural peut-il participer au développement d’une réserve de biosphère? Et à l’heure actuelle, cette volonté de protection et de valorisation à travers le tourisme rural de la RBA a-t-elle porté ses fruits? Après un diagnostic de l’activité touristique dans ce territoire, nous aborderons la question de la gouvernance choisie et des jeux d’acteurs qui influencent ce territoire.
1. Le tourisme rural dans les réserves de biosphère
1.1 Le concept de réserve de biosphère
Lancé en 1971 dans le cadre du programme MAB de l’UNESCO, le concept de réserve de biosphère (RB) regroupe actuellement 621 aires protégées dans 117 pays. Ces réserves sont «des aires portant sur des écosystèmes ou une combinaison d’écosystèmes terrestres et côtiers/marins, reconnues au niveau international dans le cadre du programme de l’Unesco sur l’Homme et la Biosphère (MAB) »3
En mettant l’être humain au centre de la problématique de préservation et de développement des aires protégées, l’objectif du concept de la RB consiste à «établir un équilibre durable entre ces buts souvent conflictuels que sont la conservation de la diversité biologique, la promotion de développement humain et la préservation des valeurs culturelles qui leurs sont associées » (UNESCO, Secrétariat du MAB, 2003).
Figure 1: Schéma des fonctions d’une réserve de biosphère4
Figure 2: Zonage d’une réserve de biosphère, d’après l’UNESCO, 2000
Les trois fonctions illustrées dans le schéma dessus sont déclinées dans le cadre d’un zonage en trois zones concentriques à trois niveaux:
- L’aire centrale: cette zone au cœur de la réserve doit être protégée avec une protection stricte et intégrale car elle remplit la fonction de conservation;
‑ La zone tampon: elle assure la transition entre la zone de protection intégrale et la zone propice aux activités de développement et doit donc être clairement identifiée et identifiable. Elle peut servir de support d’activités coopératives non destructrices comme la recherche scientifique, l’éducation et la formation, l’écotourisme;
‑ La zone de transition souple: située à mi-chemin entre la réserve et l’extérieur, cette zone sert au développement afin que les populations locales puissent s’installer et utiliser durablement les ressources disponibles.
1.2 Le tourisme rural vecteur de développement et de conservation des réserves de biosphère
Le tourisme rural peut permettre la valorisation de la réserve de biosphère à condition de savoir concilier et apporter une cohérence entre les intérêts du tourisme et les impératifs de con- servation de la biodiversité. Pour cela, le tourisme est nécessairement pensé en termes de durabilité.
1.2.1 Impacts positifs du tourisme
Le tourisme dans les réserves de biosphère peut offrir certains avantages d’ordre financier, sociaux et économiques notamment:
- la création de revenus pour la conservation et la valorisation des ressources: droits d’entrée, concessions, dons, adhésion à une association des «amis » du site en vue d’une image et d’un soutien international, vente, logement, restauration, guidage, appui financier des tour-opérateurs qu’il soit direct ou indirect, droits d’image, parking.
- l’autonomie financière;
- la contribution au développement économique et social des populations: création d’emplois et valorisation des savoir-faire locaux et des activités traditionnelles, création de revenus complémentaires dans un cadre équitable, effet d’entraînement sur les autres activités socioéconomiques, construction d’infrastructures de bases et de services: amélioration du cadre de vie, sauvegarde et promotion de la culture, prise de conscience identitaire de la population par son territoire (patrimonialisation), éducation et sensibilisation à l’environnement et formation en tourisme, lutte contre l’exode rural.
Pour les touristes, il s’agit d’un site idéal pour l’observation et l’interprétation de la nature:
«Les aires protégées constituent des territoires à fort potentiel écotouristique, ils représentent des sites prioritaires pour attirer des clientèles en quête de nature «sauvage» et d’un certain exotisme » (Carrière & Lequin 2004) A ceci s’ajoute la sensibilisation à l’environnement et les interactions avec la population locale dans Figure 3: Obstacles à la mise en tourisme d’une réserve de biosphère5.
Le but d’atteindre une satisfaction touristique particulière associée à ce type de tourisme.
1.2.2 Les impacts négatifs du tourisme
Malgré ces avantages, il est largement admis que le tourisme est ambivalent de nature et qu’il peut induire ou générer des impacts négatifs. Parmi les obstacles qui peuvent s’opposer à une mise en tourisme adéquate, on trouve les suivants sans que cette liste soit exhaustive:
La croissance touristique est difficile à contrôler du fait de l’implication de nombreux acteurs dans la filière avec pour chacun des objectifs différents et parfois antagoniste. Il faut aussi ajouter un flou et un chevauchement des rôles et des responsabilités parmi les acteurs institutionnels. Seule une gestion rigoureuse peut réduire ces impacts tout en favorisant une protection de la biodiversité.
2. La RBA: un éco territoire pour la promotion du tourisme rural durable
La RBA s’étend du littoral au Nord d’Essaouira jusqu’au Sud d’Agadir et elle est limitée à l’Est par la province de Taroudant. Elle occupe une superficie de près de 828 000 hectares, soit 7% de la superficie forestière au Maroc (M’hirit 1998) ce qui représente 6 provinces (Agadir Ida Outanane, Taroudant, Tiznit, Chtouka Aït Baha, Sidi Ifni et Essaouira).
La population est de l’ordre de 3 millions d’habitants majoritairement des amazighs (berbères). Dont près de la moitié, 1,3 million de personnes sont directement tributaires de l’exploitation de l’arganier (Romagny et Boujrouf 2010). Pour les Amazighs, l’arganier est perçu comme un arbre providentiel, on lui associe une forte connotation symbolique et il constitue un marqueur de l’identité socioculturelle de la région. Cependant, d’un point De vue strictement économique, l’arganier est la véritable «ressource économique de la RBA (extraction de l’huile d’argan, importance dans le système agro-sylvo-pastoral) (Simenel et als 2009).
Source: Haut Commissariat des Eaux et Forêts, Maroc 2008
D’un point de vue écologique, la forêt de l’arganier constitue une barrière naturelle contre l’avancé du désert et protège le sol de l’érosion éolienne et hydrique. Si elle disparaissait la région pourrait devenir une steppe désertique. De plus, la faune et la flore qu’elle protège sont aussi menacées et avec elles, l’ensemble de l’équilibre écologique régional.
D’ores et déjà, la forêt de l’arganier a disparu de moitié pendant le 20ème siècle (Lybbert et al 2003). Les infrastructures de base sont bien développées par rapport à d’autres régions du Sud du Royaume. Le réseau routier goudronné permet un accès à la plupart des communes rurales. Une autoroute reliant Agadir à Marrakech (250 kilomètres) a été récemment construite. La zone dispose aussi de deux aéroports internationaux, le premier à Agadir (3ème à l’échelle nationale) et l’autre à Essaouira. En outre, cette zone possède un port de commerce, quatre ports de pêche et deux ports de plaisance. Elle est bien équipée en termes de technologies d’information et de communication qui répondent aux normes internationales (ADSL, 3G, téléphonie fixe et mobile).
Parmi les secteurs économiques de la RBA, le tourisme constitue une activité à forte croissance. En effet, elle jouit d’une richesse patrimoniale de renom et représente un territoire propice à une mise en tourisme raisonnée dans un cadre durable.
2.1 L’offre touristique
2.1.1 L’hébergement touristique
L’espace rural de la RBA dispose d’une infrastructure d’hébergement relativement faible par rapport aux potentialités touristiques de la région. L’essentiel de l’hébergement est concentré sur la partie littorale qui bénéficie d’un pic de fréquentation pendant la période estivale.
Les unités d’hébergement sont essentiellement constituées de maisons d’hôtes et assimilées. Certaines sont répertoriées et classées mais de nombreuses appartiennent au secteur informel et échappent au contrôle de l’autorité chargée de recenser et quantifier les activités liées au tourisme. Il est donc difficile de les identifier toutes et de connaître leur capacité. Elle peut cependant être estimée à plus de 2500 lits, grâce à des recoupements d’information et aux réseaux sociaux et informels (Berriane et Nakhil 2012). En termes de qualité, il est crucial que l’offre soit mise à niveau afin de répondre aux attentes de la clientèle à la fois en quête d’authenticité mais aussi en attente d’un confort et d’une hygiène qui lui conviennent. La RBA a déjà attiré de nombreux investisseurs et promoteurs touristiques ce qui contribue à augmenter la capacité d’hébergement avec l’implantation de structures spécifiques dédiées au tourisme rural et au tourisme de niche. Ces investisseurs sont tout d’abord des marocains puis suivis des français. Force est de constater aussi une sensibilisation de plus en plus vers le Tourisme durable qu’est impulsé par le ministre de tourisme et plusieurs acteurs locaux.
2.1.2 Les circuits touristiques
Il existe plusieurs excursions et circuits touristiques organisés entièrement ou partiellement dans le territoire de la RBA. Les plus importants en terme de fréquentation sont ceux organisés par les tours opérateurs et agences de voyages d’Agadir. Les principaux circuits touristiques sont:
• L’Anti-Atlas occidental (Tafraout et Ait Baha);
• Ida Outanane ou le pays du miel;
• Massa et son parc national Souss Massa;
• Littoral Atlantique (nord et sud d’Agadir);
• L’oasis de montagne de Tiout avec la ville fortifiée de Taroudant.
Par ailleurs, des circuits spécifiques sont organisés dans la région de la RBA par certaines agences spécialisées en tourisme de montagne notamment dans la région d’Aït Baha, de Tafraout, des Ida Outanane et d’Essaouira.
Ces agences proposent aussi des randonnées pédestres, équestres, muletières, chamelières, VTT et plusieurs séjours sportifs de pêche, chasse et liés à des activités nautiques (à Imssouane, Mirleft, Taghazout…). Malheureusement, ce type de produits n’est pas encore très répandu par rapport à d’autres régions du Maroc notamment dans le Haut Atlas
Source: Conseil régional de tourisme d’Agadir 2004
De Marrakech (Toubkal) et l’Anti Atlas central et oriental (Siroua et Saghro), qui sont donc sur le papier plus attractif car l’offre y est plus diversifiée. Ceci est dû principalement à la méconnaissance de la région et à l’offre d’hébergement qui n’est pas encore à la hauteur des attentes des standards internationaux, même si le tourisme national se développe de plus en plus et offre des perspectives prometteuses.
D’autres produits touristiques existent mais ils sont conçus et commercialisés par des organisateurs de voyages clandestins et ne font donc pas l’objet d’une reconnaissance officielle. Selon notre enquête personnelle, leurs parts de marché sont évaluées à près de 20%.
2.2 La demande touristique
La demande touristique dans l’espace rural de la RBA n’a jusqu’à présent pas fait l’objet d’une étude quantitative spécifique. En revanche, les taux de fréquentation touristique dans les principales villes réceptives de la zone peuvent donner une idée des flux qui se rendent aussi en milieu rural. En 2013, Agadir a recensé près de 900 000 arrivées, Essaouira environ 15 000 et Taroudant plus de 17 000. La fréquentation touristique de ces trois pôles est donc de près d’un million de visiteurs. Quant au nombre de touristes qui visitent la RBA, il est estimé à près de 25% des arrivées totales8 soit près de 250 000 touristes
Ce chiffre peut être revu à la hausse si l’on se réfère aux résultats de l’enquête réalisée par le Conseil Régional de Tourisme (CRT) en 2002. 70.6% des visiteurs interrogés jugeaient intéressant voire indispensable de programmer et/ou prévoir des sorties et des excursions vers l’arrière-pays d’Agadir (la RBA). Egalement la majorité des touristes souhaiteraient plus d’échanges avec la population amazighe. L’intérêt des touristes conforte largement la vision d’introduire et de développer un tourisme rural durable dans la RBA.
Concernant le marché intérieur, les Marocains se déplacent en zone rurale lors des rencontres familiales, des fêtes religieuses et pour certains retrouver leurs racines en visitant les territoires de leurs ancêtres ou parents. Ils séjournent généralement chez un membre de la famille mais pourraient être intéressés par des activités récréatives et d’animation. La clientèle qui cherche des hébergements de type gîtes, auberges et maison d’hôtes, elle est surtout celle qui réside dans les grandes villes du Royaume notamment Casablanca, Rabat et Agadir. Ces visiteurs appartiennent souvent à une catégorie socioprofessionnelle moyenne et moyenne supérieure. Ils recherchent un certain confort avec la possibilité de pratiquer des activités d’extérieur (Outdoor) notamment les randonnées pour se ressourcer et tenter de fuir le stress et la pollution des grandes villes.
2.3 La Gouvernance
Les acteurs touristiques impliqués directement ou indirectement dans le développement touristique du territoire. De la RBA sont nombreux et variés. Leur multiplicité génère souvent des conflits d’intérêt dû au manque de coordination, de concertation et de vision globale cohérente et fédératrice.
Pour ce qui concerne les acteurs publics et semi-publics, le leitmotiv est que la communication et la diffusion de l’information sont avant tout des enjeux de pouvoir et qu’il vaut mieux limiter cette diffusion voire bloqué le flux des informations. On remarque aussi que malgré un partage apparent des missions et responsabilités, il y a un chevauchement dans les attributions et les prérogatives. Des conflits larvés ou ouverts existent entre les services extérieurs des différents ministères au niveau local et aussi avec les élus (régionaux, provinciaux et communaux). Ces conflits sont aussi parfois même au sein de la hiérarchie des différents ministères. Par exemple, un conflit assez latent entre la SMIT9 et la délégation régionale de tourisme à Agadir).
Partant de ce constat d’absence de coordination institutionnelle et d’ancrage réel dans les contextes socio-économiques locaux, les pouvoirs publics ont décidé de créer en 2010 l’agence nationale de développement des zones oasiennes et de l’arganeraie (AN- DZOA). Cette agence a lancé une nouvelle stratégie A en octobre 2013 dont le but est de promouvoir une approche intégrée et participative des intervenants territoriaux. Le tourisme rural durable fait d’ailleurs partie des secteurs clés de cette stratégie à travers le « programme de développement des zones de tourisme rural de l’arganier ». Selon cette stratégie A, les axes d’intervention dans le développement de tourisme rural sont les suivants:
• Valorisation des sites naturels à forte potentialité écotouristique,
• Mise en place d’une offre d’animation et de loisirs,
• Développement d’une offre d’hébergement adaptée,
• Appui transverse au secteur touristique (formation,..).
A cet effet, dans l’arganeraie et les oasis du sud, l’ANDZOA mobilisera une enveloppe budgétaire d’investissement de l’ordre de 1 938 MDH à l’horizon de 2020 et espère ainsi créer près de 20 000 em- plois et une valeur ajoutée supplémentaire dans le territoire estimée à 4 107 MDH (ANDZOA 2013).
En outre, d’autres acteurs interviennent dans le tourisme de la RBA tels que le conseil régional du tourisme (CRT) d’Agadir et le conseil régional Souss Massa Draa (CRSMD). Ce dernier a soutenu et subventionné depuis plus de 8 ans les conseils provinciaux de tourisme (CPT) au niveau des différentes provinces de la région. Il a également permis la création du réseau de développement touristique rural (RDTR) en 2011. Ce réseau professionnel représente les acteurs du secteur privé. Il a engagé des actions de proximité menées auprès des petites structures touristiques rurales notamment les gîtes, auberges et maisons d’hôtes. Parmi les actions phares de ce réseau c’est la création d’une charte de qualité et environnement avec un référentiel de labellisation des structures touristiques. Ce projet a été mené en partenariat avec les acteurs locaux et Gites de France – Hérault. D’ores et déjà, une quarantaine d’établissements ont été labélisées dans la région.
En résumé, la profusion d’acteurs, institutionnels ou non, dans la RBA engendre de nombreux conflits et tensions. A l’origine, on note le manque de concertation, de coordination et de transparence. Ces facteurs représentent un risque d’éclatement des réseaux d’acteurs du fait de l’insuffisance de mécanismes de gestion des conflits ou d’un pouvoir organisateur reconnu de tous. Or, seule une gouvernance efficace pourrait changer les choses. L’ANDZOA a le potentiel de devenir cette instance en se situant à l’interface entre les acteurs et devrait pouvoir assurer un rôle de médiation et d’animation à part entière. Ainsi, elle facilitera la coordination des acteurs et de leurs actions.
3. Quelle stratégie adopter?
Le tourisme rural a le potentiel d’être une source de richesses économiques, sociales et culturelles pour la RBA dans un respect des principes du développement durable. Cette vision fait référence directement ou indirectement aux services offerts, aux ressources utilisées et au processus d’organisation qui seront mis en place par les acteurs du tourisme. Pour cela, cette vision doit être partagée par tous les acteurs du tourisme au niveau de la RBA qui, ensemble, doivent être convaincus de pouvoir l’atteindre.
La stratégie à mettre en place dans cette perspective doit reposer sur 5 axes structurants:
• Qualité de l’offre par la mise en place d’un système de management de la qualité à travers des cahiers de charges pour chaque produit et activité touristique (labellisation...) ;
• Sauvegarde et valorisation du patrimoine naturel et socioculturel de la RBA par des actions collectives des différents acteurs et notamment via des actions de sensibilisation et de l’éducation à l’environnement ;
• Gouvernance transversale par une gestion intégrée et équilibrée entre les différentes zones de la RBA. Une attention particulière doit être donnée aux associations professionnelles ainsi qu’à l’ANDZOA qui doivent jouer un rôle central dans ce nouveau système de gouvernance ;
• Promotion et appui à la commercialisation des produits touristiques dans le territoire avec une mention spéciale aux technologies d’information et de communication (appui logistique aux acteurs locaux) ;
• Mise en place d’un système d’autoévaluation de l’ensemble des actions menées dans le territoire de la RBA (par exemple système de gestion axée sur les résultats)
4. Conclusion
Le tourisme rural durable est le gage d’un développement fondé sur le respect de la diversité, les spécificités des territoires et sur une démarche concertée avec les communautés locales. Grâce à cela, ces dernières pourraient maîtriser le développement touristique et s’approprier les bénéfices de la valorisation patrimoniale ainsi que les retombées économiques et symboliques inhérentes.
En cela, le tourisme rural constituerait un outil efficace de développement socio-économique à condition qu’il soit issu d’une gouvernance intégrée et participative. De plus, seule une sensibilisation et une reconnaissance des acteurs vis-à-vis de son écosystème et de son patrimoine permettront sa sauvegarde. L’aménagement touristique de la RBA est un enjeu majeur de son développement et l’acteur est au cœur de cette approche territoriale et doit y rester. Toutefois, les acteurs sont nombreux et actifs mais souvent mal organisés, il leur manque une mise en réseau globale afin de trouver des intérêts communs à cette mise en tourisme et afin de définir les missions imparties à chacun. «Le partenariat reste le point fort du plan de développement du tourisme rural » (Chattou, 2002). Le tourisme rural doit être basé sur une volonté collective entre les communautés, les professionnels, les organes institutionnels et les organismes de développement local. Dans cette perspective, il faut mettre en avant des alliances stratégiques entre les acteurs conjuguées à une bonne gouvernance faîte de transparence et de démocratie locale pour réussir le pari d’un tourisme rural durable. L’ANDZOA pourrait jouer amplement ce rôle fédérateur à l’échelon de l’arganeraie grâce à son statut et à ses moyens humains et financiers. Ce dynamisme territorial embryonnaire est en phase d’appropriation des potentialités de l’espace. Le patrimoine même s’il n’a pas encore trouvé pleinement sa place dans la valorisation peut encore être préservé et soutenir le développement touristique rural. Pour cela, des mesures doivent être prises rapidement pour sa protection puis pour sa mise en valeur dans le cadre touristique. Ainsi, la RBA pourra devenir un éco-territoire qui symbolisera le développement du tourisme rural durable au Maroc.
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Notes
1 Ministère de l’Economie des Finances de la Privation et du Tourisme (2002), Stratégie de développement du tourisme rural.
2 Amazigh : Berbère
3 UNESCO, Réserves de biosphère: la stratégie de Séville et le cadre statutaire du réseau mondial UNESCO, 1996, Paris.
4 Inspiré du site web: http://www.unesco.org/mab/nutshellF.htm
5 élaboré par nos propres soin
6 La grande majorité des agences de voyages spécialisées ont leurs sièges à Marrakech et ne connaissent pas bien la zone de la RBA.
7 Chiffres officiels de 2013
8 Ce taux confirmé par le président de l’association régionale des agences de voyages et des transporteurs (communication personnelle)
9 SMIT (Société marocaine d’ingénierie touristique) qui ‘est sous la tutelle du ministère de tourisme.
Recibido: 02/06/2013
Reenviado: 15/01/2014
Aceptado: 02/04/2014 Sometido a evaluación por pares anónimos
Source web Par: Prof. Hassan Aboutayeb