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Géoparc et Recherche Scientifique
Le coins de l’étudiant
Blog Géoparc Jbel Bani
Etudes thématiques en vue du développement des oasis de la région de Tata (Maroc) effectuées par des étudiants du CNEARC
Etude n° 5
Les plantes aromatiques, médicinales et tinctoriales
Un atout pour le développement rural de la région de Tata ?
Etudiants du CNEARC :
Laure STEER
Mathieu GOUDET
Techniciens DPA / ALCESDAM :
Mustapha AKCHOUR
Edition :
P. JOUVE, C. SEUGE
Personnes ressources :
Hassan MOURADI
Abdellah
Présentation générale des études thématiques effectuées à Tata en 2004 Les oasis du Sud du Maroc sont des agroécosystèmes originaux et un élément important du patrimoine agronomique, écologique et culturel du monde rural méditerranéen. Mais de nombreuses menaces pèsent sur ces oasis qui mettent en péril leur durabilité. C’est pour contribuer à la reconnaissance de ce patrimoine et à une meilleure connaissance de ces agroécosystèmes qu’une première étude a été effectuée en mars 2003 par des étudiants du CNEARC.
Cette étude répondait à une demande formulée par l’ALCESDAM (Association de lutte contre l’érosion, la sécheresse et la désertification au Maroc) et la Direction Provinciale de l’Agriculture de la Province de Tata. Cette première étude a permis d’analyser le fonctionnement de quatre oasis de la région : les oasis de Laayoune, Tagmout, Aït Hemmane et Agadir Lehna 1. Elle a mis en évidence la grande diversité de ces oasis en fonction de leur situation géographique, de l’histoire de leur peuplement et de leurs disponibilités respectives en eau et en terre. Cette diversité souvent mal perçue nécessite de définir avec les populations les actions de développement les plus appropriées à chaque type d’oasis. C’est ce que nous nous sommes efforcés de faire en proposant pour chaque oasis des axes de développement.
Afin d’approfondir l’étude de ces axes de développement une deuxième étude a été effectuée en mars 2004 par un nouveau groupe d’étudiants et d’enseignants du CNEARC.
En accord avec l’ALCESDAM et la DPA cinq thèmes d’études ont été retenus :
1. La réhabilitation des palmeraies
La palmeraie est au coeur de l’oasis et en conditionne la survie. Or au cours des dernières décennies beaucoup de palmeraies se sont dégradées sous l’action conjuguée de la sècheresse, du bayoud et de la migration de la force de travail.
Après avoir analysé ces différentes causes de déclin, cette première étude s’est attachée à étudier et évaluer les différents types d’actions entreprises par l’ALCESDAM et la DPA pour enrayer ce déclin et réhabiliter les palmeraies dégradées.
2. Les khettaras
Dans la région de Tata, la plupart des oasis sont alimentées en eau par des Kkettaras, c’est à dire par des canalisations souterraines aménagées il y a plusieurs siècles qui permettent de drainer des nappes phréatiques et de conduire l’eau par gravité jusqu'à la palmeraie.
Ces systèmes ont demandé un gros investissement en travail lors de leur création mais ensuite, ils assurent la distribution de l’eau de façon économique et écologique. Cependant ces systèmes ingénieux de mobilisation de l’eau sont menacés par la dégradation physique de la galerie souterraine quand elle n’est pas entretenue mais aussi par la complexification des règles sociales de distribution de l’eau. Ce sont ces différents problèmes qu’aborde cette deuxième étude en distinguant deux grands types de khettaras : les khettaras d’oued et les khettaras de plaine.
3. Rôle et place des femmes dans le développement oasien
Cette thématique s’est pratiquement imposée à nous dès lors que nous nous sommes aperçus que dans de nombreux oasis, la migration des hommes dans les régions nord du Maroc ou à l’étranger, avait conduit les femmes à occuper une place prépondérante dans le fonctionnement des unités de production et plus globalement dans celle des oasis. Mais là aussi, la situation est très contrastée d’une oasis à l’autre en fonction notamment de l’histoire du peuplement. C’est l’oasis de Tagmout qui a été retenue, dans un premier temps, pour étudier en détail la situation des femmes et leurs projets. L’étude a été ensuite élargie à d’autres oasis afin d’analyser les actions déjà entreprises pour améliorer la condition féminine et les rapports de genre au sein des oasis.
4. Les cultures sur épandage de crues.
A l’occasion de l’étude effectuée en 2003, nous avons découvert qu’il y avait une vie en dehors des oasis proprement dites. En effet nous nous sommes aperçus que les populations de nombreuses oasis pratiquaient des cultures non irriguées sur des zones d’épandage de crue. Ces cultures situées souvent à plusieurs kilomètres de l’oasis sont évidemment très aléatoires mais elles présentent cependant un réel intérêt pour les agriculteurs et une opportunité à valoriser.
C’est dans cette perspective qu’ont été étudiés les différents systèmes de culture de décrue, leur fonctionnement agroéconomique, leur place dans l’économie des exploitations et des oasis et les possibilités d’améliorer ces systèmes.
5. Les plantes aromatiques, médicinales et tinctoriales
Dès 2003 nous nous étions rendu compte que le développement des zones oasiennes devait s’efforcer de valoriser sinon les rentes de situation du moins les avantages comparatifs de ces zones par rapport notamment aux autres régions agricoles du pays.
Parmi ces avantages comparatifs il y a la possibilité de produire et/ou récolter des plantes qui ne poussent pas ou moins bien ailleurs et qui présentent un intérêt économique.
Parmi ces plantes il y a des plantes aromatiques telle que l’armoise, des plantes médicinales que l’on ne trouve qu’en zone aride et des plantes tinctoriales comme le henné.
Cette dernière étude a porté sur les conditions de production de ces différentes plantes, leur mode de commercialisation et les perspectives d’une meilleure valorisation des produits qui en sont tirés.
Les propositions résultant de ces différentes investigations ont été présentées et discutées avec les agriculteurs et agricultrices des oasis ainsi qu’avec les responsables de l’encadrement agricole.
Une fois de plus nous voudrions remercier tous ceux qui ont contribué à la réalisation de cette étude collective, à commencer par les représentants de l’ALCESDAM : M. Raymond Loussert et Hassan Mouradi ainsi que les responsables de la DPA et en particulier tous les techniciens qui se sont joints aux étudiants pour effectuer les études de terrain. Nos remerciements vont également à M. Herbouz ; Gouverneur de la Province de Tata pour l’intérêt qu’il à porté à notre étude ainsi qu’à M. Moulay Mehdi Lahbibi, Président de la municipalité de Tata et membre actif de l’ALCESDAM dont l’aide et la connaissance de la région nous ont été très précieuses . Un grand merci également aux collègues qui ont participé à l’encadrement et à l’organisation du stage : Mireille Dosso, Stéphanie Druguet, Jean-Claude
Mouret, Louis Dupuy, Angeline Ducros.
Nous espérons que ce modeste exercice de formation, effectué à partir de deux semaines de terrain, constituera une contribution utile au développement de cette région dont la beauté des paysages et la qualité de l’accueil des populations ne peuvent laisser personne indifférent.
Philippe JOUVE
Sommaire
I Introduction………………………………………………………………………6
I.1 Contexte de l’étude : ............................................................................................7
I.2 Démarche et méthode : ........................................................................................8
II Une grande diversité de produits et de productions 11
II.1 Le henné.............................................................................................................11
II.2 Les plantes médicinales .....................................................................................19
II.3 Le miel................................................................................................................23
II.4 Les amandes, amandes amères, douces et amelou ............................................25
II.5 L'Amaghouss......................................................................................................28
III Actions entreprises et projets…………………………………………………… 30
III.1 Le henné : actions entreprises et projets ...........................................................30
III.2 Les plantes médicinales : actions entreprises et projets....................................35
III.3 Le miel : .............................................................................................................38
III.4 Les amandes : ....................................................................................................40
III.5 L’amaghouss : ....................................................................................................40
III.6 Qu’en est-il du safran ? .....................................................................................41
IV Conclusion ………………………………………………………………………43
Table des illustrations
Figure 1 : Carte de localisation de Tata 7
Figure 2 : Carte de localisation des sites d’étude 9
Figure 3 : Itinéraire technique du henné 14
Photo 1 : henné 11
Photo 2 : Tatouage au henné 13
Photo 3 : Parcelle de henné 15
Photo 4 : Séchoir en béton 16
Photo 5 : Stockage du henné 17
Photo 6 : Conduite du henné à Aït Hemanne 18
Photo 7 : Agaya 20
Photo 8 : Gartofa 20
Photo 9 : Différentes plantes médicinales 21
Photo 10 : Ruche en canes recouvertes de terre 24
Photo 11 : Rayon fait par les abeilles : aucune structure ne permet de les conserver après récolte 24
Photo 12 : Rucher traditionnel à Tagmout : la plupart des ruches sont en bois de palmier. 25
Photo 13 : Trous de vol d’une ruche en bois 25
Photo 14 : Amandiers en bordure de palmeraie avec une couverture d’orge 26
Photo 15 : Moulin pouvant servir à broyer les grenades pour en extraire le jus 28
Photo 16: Grenade acide 28
Photo 17: Amaghouss (1/2L) 28
Photo 18 : Poudre de henné 32
Introduction
La province de Tata a été créée récemment dans le sud du Maroc. Cette création a permis la construction de routes depuis une trentaine d'années, réduisant ainsi considérablement l'enclavement. Mais, située au pied de l’Anti-Atlas, elle n'en reste pas moins défavorisée par son éloignement. Cette marginalité pénalise de nombreuses activités.
Comparée à d'autres régions, celle de Tata présente donc des handicaps sur certains points (disponibilité en eau, éloignement). Dans ces conditions, la stratégie de développement à adopter est de valoriser ce que l'on appelle les avantages comparatifs locaux. En effet, par sa localisation, son contexte géographique, topographique et social, mais aussi grâce aux savoirs et savoir-faire locaux, cette province présente des avantages pour diverses productions.
C’est ce qui a été à l’origine de l’hypothèse sur laquelle est basée notre étude : les plantes aromatiques, médicinales et tinctoriales peuvent représenter un atout pour le développement rural local. Plusieurs éléments nous poussent à le penser :
- Ces plantes sont présentes de façon très diversifiée dans cette région.
- Il existe un regain d'intérêt pour la médecine traditionnelle au Maroc, et de façon plus générale, le marché des produits traditionnels s'étend au niveau international.
- Le henné à lui tout seul pet-être une plante motrice pour le développement : elle est connue et son marché se développe dans tout le Maghreb et en Europe.
Pour vérifier cette hypothèse, nous avons sélectionné diverses productions nous semblant intéressantes et nous en avons étudié le fonctionnement local actuel. Nous parlons de productions et non seulement de plantes, car il existe des activités permettant de valoriser des avantages comparatifs qui ne se limitent pas à une simple culture (ex : le miel). Dans une seconde partie, nous verrons les moyens d'amélioration et de valorisation possibles pour ces productions.
Rappelons enfin le cadre général dans lequel s’est effectué cette étude. Il s'agissait, dans un temps très réduit (10 jours), de caractériser les améliorations possibles des écosystèmes cultivés des oasis de la région de Tata. Pour cela, cinq thèmes d'étude privilégiés ont été préalablement définis : la réhabilitation des palmeraies, l'approvisionnement en eau, le rôle des femmes dans le développement rural, les cultures sur zone d'épandage de crues et les plantes aromatiques, médicinales et tinctoriales.
I.1 Contexte de l’étude :
Localisation :
Tata, chef-lieu de province, est une ville de 12 000 hab. située au pied de l’Anti-Atlas, à quelques kilomètres de la frontière algérienne. Les voies de communications ont été développées depuis 1977, date de la création de la province de Tata. Si elle n’est plus enclavée au sens propre, elle reste relativement éloignée des zones à forte activité commerciale (Agadir,
Casablanca, Rabat…).
Cette province de 26 000km² compte 127 000hab. répartis dans 150 oasis.
Figure 1 : Carte de localisation de Tata
Le milieu :
Le climat aride est de type saharien : les précipitations annuelles moyennes sont inférieures à
100mm/an et les températures maximales peuvent dépasser les 50°C. La végétation visible hors oasis est assez clairsemée. Seuls les espaces oasiens, grâce à la mobilisation d’eau, présentent une végétation abondante.
De plus, la variabilité climatique interannuelle est très grande. Elle entraîne des périodes de sécheresse qui durent parfois 2 à 3 ans. Ainsi, même au sein des oasis, l’eau est une ressource rare et convoitée.
Les zones non irrigables contrastent avec les oasis vertes et très anthropisées. Chaque oasis est généralement centrée sur une palmeraie.
La mise en valeur du milieu :
Une étude diagnostic de 4 oasis différentes de la région de Tata a été effectuée en 2003 par des étudiants du CNEARC (CNEARC, 2003). Il en découle que les oasis ont des modes de mise en valeur assez diversifiés.
La principale activité des populations des oasis est l’agriculture. Les palmeraies procurent souvent le principal revenu des familles ayant des terres et des droits d’eau. Trois strates peuvent entrer dans sa composition : herbacée, arborée et la strate supérieure formée par les palmiers dattiers. Elles permettent aussi bien de pratiquer des cultures de rente, que des productions vivrières et fourragères (dattes, fruits et céréales variés, légumes, luzerne, etc.).
Des parcelles consacrées au maraîchage sont parfois localisées à la périphérie des oasis, mais peuvent tout de même bénéficier de l’eau présente dans l’oasis (puits ou khettara). Les terres extérieures aux oasis sont irriguées par pompage ; elles permettent de cultiver des espèces particulières (maraîchage, henné, etc.). Enfin, certaines zones, éloignées des oasis sont des zones d’épandage de crue où il n’y a pas d’irrigation mais où l’eau stockée dans le sol permet une culture de céréale assez aléatoire.
L’élevage est souvent limité à quelques ovins, mais une complémentation, voire un apport total de fourrages (constitué par la luzerne cultivée dans les palmeraies) est nécessaire. Il existe cependant une réelle dynamique autour de l’élevage de la race oasienne D’man, qui est très prolifique.
Cadre institutionnel :
L’ALCESDAM (Association pour la Lutte contre l’Erosion, la Sécheresse et la Désertification au Maroc) œuvre dans la région de Tata depuis 1985. Ses objectifs sont :
- l’amélioration des ressources en eau et leur gestion dans les oasis
- la lutte contre le dépérissement des palmeraies
Cette ONG aide ainsi des agriculteurs à s’organiser, à réhabiliter des palmeraies, à mettre en culture de nouvelles parcelles. Pour cela, elle utilise une approche participative (la demande Zient des agriculteurs) et se restreint aux démarches collectives. C’est en réponse à la demande de cette association que nous avons effectué ce stage collectif au Maroc.
L’autre structure avec laquelle nous avons travaillé est étatique : il s’agit de la DPA de Tata
(Direction Provinciale de l’Agriculture). Elle participe à de nombreux projets de développement agricole dans la région et a pu mettre à notre disposition les compétences de plusieurs personnes.
I.2 Démarche et méthode :
Les plantes médicinales et tinctoriales, ainsi que le miel sont des productions qui n’ont jusqu’à présent été que peu étudiées dans la région. Il existe donc peu de références sur ce sujet. Le but de cette étude est de mettre en évidence la diversité de ces produits et de comprendre les modes de collecte et les systèmes de culture de ces plantes (lorsqu’il s’agit de plantes cultivées). Mais plus qu’une étude sur la façon de cultiver ou de récolter ces plantes, il s’agit surtout de mesurer leur importance économique et leur contribution au revenu des familles. Nous chercherons aussi à comprendre comment ces productions s’articulent aux productions « classiques » des oasis.
Dans un deuxième temps, nous chercherons à analyser les filières concernées par ces produits (depuis la production jusqu’à l’utilisation) et la façon dont les acteurs de ces filières s’organisent. Cela permettra de faire un bilan des actions qui ont été entreprises et d’essayer de suggérer des pistes pour développer ces filières et mieux valoriser ces produits. Pour répondre à ces questions, nous avons interrogé les différents acteurs de la filière sous forme d’entretien semi-directifs. Cette étude étant un exercice de formation en temps limité, nous avons seulement interrogé un petit nombre de personnes à tous les niveaux de la filière : producteurs, commerçants, utilisateurs, herboristes… Il ne s’agit donc pas de faire une étude exhaustive de ces plantes mais plutôt d’identifier quelques-uns de ces produits et de leurs usages en se basant sur les savoirs et les savoirs-faire locaux ainsi que sur les pratiques paysannes. Le but n’est en effet pas d’imposer des productions aux agriculteurs mais de mieux valoriser les plantes déjà cultivées ou utilisées localement. Nous avons cherché aussi à comprendre les conditions d’adoption de certaines productions à forte valeur ajoutée que les agriculteurs envisagent de mettre en place.
Nous avons identifié différents produits plus ou moins mis en valeur dans ces oasis sur lesquels nous baserons cette étude. Il s’agit du henné, des plantes et produits médicinaux, du miel, des amandes douces et amères et du safran. Nous avons choisi nos sites d’enquêtes en fonction de ces produits et en collaboration avec l’ALCESDAM : Foum Zguid et Aït Hemmane pour le henné, Tagmout pour le miel, les amandes et le safran, Tissint, Tagmout et Foum Zguid pour les plantes médicinales (fig.2)
Figure 2 : Carte de localisation des sites d’étude
II Une grande diversité de produits et de productions
II.1 Le henné
Généralités
La plante : caractéristiques biologiques
Le henné ou lawsonia inermes appartient à la famille des lythracées. Il est également connu sous le nom de alkana ou réséda. Il s’agit d’une plante pérenne dont la durée de vie peut dépasser cinquante ans. C’est un arbuste ramifié qui peut atteindre jusqu’à prés de 2 m de haut et dont les fleurs sont rose ou blanches, à quatre pétales, disposées en grappe. Ce sont les feuilles qui sont utilisées comme teinture pour les cheveux ou comme tatouage temporaire.
Photo 1 : henné
Origine
Le henné serait originaire d’une région allant du sud de l’Iran et de la Mésopotamie au Bélouchistan. Il aurait suivi la migration des peuples ; il serait arrivé dès l’Antiquité en Inde du nord, puis s’est déplacé vers l’ouest de la Syrie et enfin en Egypte. Dans le Maroc préislamique le tatouage au henné était totalement inconnu. La conquête musulmane a eu des incidences sur les pratiques esthétiques et culturels des tribus berbères : les Arabes en provenance du moyen orient ont diffusé largement l’usage du henné pour les fêtes et les cérémonies.
Actuellement, le henné est cultivé dans tout le proche orient, en Iran dans l’Inde Occidentale et la Chine. En Afrique il est cultivé notamment dans le Maghreb, le Sénégal et le Mali.
Usages
Le henné à un double langage, celui de la séduction et de la magie, à travers les différents rituels auxquels il participe.
Le henné est une plante qui fait partie de l'environnement traditionnel. Profondément ancré dans les us et coutumes, il tient une place de choix dans la vie quotidienne marocaine.
Les femmes font un usage courant du henné pour teindre elles-mêmes leurs cheveux, leurs mains et leurs pieds. Pour des applications élaborées elles recourent aux femmes appelées hennayat, véritables artistes qui officient également pour les cérémonies.
La pâte de henné est composée de feuilles séchées, pilées, auxquelles on ajoute du jus de citron et de l'eau chaude ce qui produit une matière onctueuse, dont la couleur peut être intensifiée en ajoutant d'autres ingrédients, dont le secret est bien gardé. Les hennayats dessinent sur les mains, sur les pieds, une belle calligraphie où foisonnent arabesques et symboles dont l'origine est secrète. Jadis, les hennayats utilisaient un bâtonnet effilé pour ébaucher de fines lignes, de subtiles croix, aujourd'hui elles utilisent des seringues de calibre différent, et avec une précision étonnante, elles tracent leurs dessins. Les symboles utilisés pour les tatouages ont des significations bien précises : par exemple, le cercle est un symbole de l’absolu, la spirale symbolise l’harmonie ; elle exprime le devenir et l’éternel retour…
Photo 2 : Tatouage au henné
On dit que le henné est un signe de bonne chance. Une tache de henné dans la main droite permet de se protéger contre le mauvais sort. C’est ce que font les hommes lors de la fête de l’Aïd. Du henné est aussi appliqué sur la tête du mouton qui va être égorgé et celui-ci doit aussi en manger un peu.
Avec le développement des tatouages temporaires au henné dans les villes marocaines et en
Europe, le savoir-faire des hennayats modernes s'est adapté à la demande des jeunes générations ; elles présentent un catalogue de photographies, où chaque femme peut choisir le graphisme qu’elle souhaite.
Enfin, en plus de ses vertus tinctoriales, le henné est aussi reconnu pour ses qualités médicinales. En effet, il peut être utilisé contre les maux d’estomacs, la fièvre. Il est appliqué en cataplasme pour la cicatrisation des plaies et des abcès et pour soigner les entorses.
Caractéristiques agronomiques du henné
La culture du henné nécessite des sols bien aérés, bien drainés généralement caillouteux et avec un taux de limon relativement faible. Pour ces raisons, le sol des palmeraies n’est pas vraiment adapté à cette culture. Les sols plus favorables sont ceux des zones bour (non irriguées)
Il s’agit d’une plante du désert et elle supporte donc bien les fortes chaleurs. Pour autant, ses besoins en eaux sont relativement importants. Dans le contexte du sud du Maroc, cette culture nécessite une irrigation régulière et importante.
Il existe certains bioagresseurs de cette culture (des vers qui s’attaquent aux feuilles ainsi que des insectes piqueurs) mais ils ne semblent pas poser de problèmes particuliers aux agriculteurs. Il faut de plus noter que cette plante n’est pas attaquée par les criquets.
Le henné à Foum Zguid
Place du henné dans la région de Foum Zguid
Foum Zguid se situe à une centaine de km à l’est de Tata. Cette région est actuellement la deuxième région productrice de henné du Maroc. La majorité des agriculteurs ont des parcelles de henné bien que les superficies cultivées restent pour l’instant relativement faibles.
Le henné est conduit au ras du sol et coupé régulièrement.
Dans le douar où nous avons enquêté, il n’y a pas à proprement parler d’oasis. En effet, les terres cultivées sont des terres bour irriguées grâce à des puits privés. Jusqu’aux années 60, il y avait une khettara et donc une organisation collective de l’irrigation mais l’entretien de la
khetarra a été progressivement abandonné et les agriculteurs ont commencé à s’approprier des terres bour (qui étaient des terres collectives) pour construire des puits privés.
En plus du henné on retrouve les cultures classiques de la région : palmiers dattiers, blé, orge, arbres fruitiers. L’élevage occupe aussi une place importante dans les activités de la région.
La plupart des agriculteurs ont une bergerie et élève des brebis de la race D’man.
Conduite des pépinières
Obtention des semences :
Pour mettre en place une nouvelle parcelle de henné, les agriculteurs récupèrent des graines sur un arbre. Pour cela, les agriculteurs laissent toujours pousser quelques arbres en bordure des parcelles. Les graines sont ensuite plongées dans de l’eau pour les nettoyer. Elles sont frottées pour en enlever l’écorce. Elles sont ensuite humidifiées et placées dans un sac pour qu’elles germent.
Conduite des jeunes plants :
Les agriculteurs mettent assez souvent en place des pépinières. Dans certains cas c’est pour renouveler des vieilles parcelles (mais cela reste rare car le henné est installé en général pour plus de 30 ans) mais le plus souvent c’est pour installer de nouvelles parcelles. Le sol des pépinières est labouré et recouvert de fumier d’âne avant d’être semé au printemps (entre avril et juin). Les plants restent un an dans la pépinière avant d’être repiqués. Une pépinière permet d’installer une parcelle d’une taille trente à quarante fois plus grande que celle de la pépinière.
Les jeunes plants sont irrigués tous les jours pendant la première semaine, puis tous les 2 jours pendant 2 semaines et ensuite deux fois par semaine. Les parcelles sont aussi régulièrement désherbées.
Lorsque les agriculteurs ne peuvent pas faire de pépinières, ils ont la possibilité de planter directement un morceau de racine coupée.
Conduite de la parcelle de henné
Figure 3 :Itinéraire technique du henné
Entretien des parcelles en début de campagne :
Cet entretien consiste en un désherbage de la parcelle et un apport de fumier. Le désherbage se fait à la main à l’aide d’une faucille. Cette opération est souvent réalisée par les femmes. Il s’agit le plus souvent de main d’œuvre salariée, les femmes étant payées 20 Dh par jour.
L’apport de fumier est nécessaire : il faut en général appliquer la quantité de 4 à 5 camions par hectare et par an, ce qui correspond à un prix de 10 000 à 12 500 Dh par an et par hectare.
Ce prix est très élevé et une grande partie des producteurs ne peut donc pas se le permettre.
Cette quantité est de plus trop importante pour pouvoir être produite sur l’exploitation.
Irrigation :
Les parcelles sont régulièrement irriguées : deux fois par semaine pendant la période de coupe, une fois en dehors de cette période. La fréquence des irrigations est cependant adaptée en fonction du climat. Les pompes pour l’exhaure de l’eau sont alimentées grâce à des bouteilles de gaz, ce qui constitue un système plus économique que les pompes à gazoil ou éléctriques. Une journée d’irrigation nécessite de 2 à 3 bouteilles de gaz c’est à dire de 100 à 120 Dh par jour.
Photo 3 : Parcelle de henné
Coupe :
La période de coupe s’étend d’avril à novembre. En général, les producteurs effectuent quatres coupes. La qualité de ces coupes n’est pas identique. La quatrième coupe est souvent de faible qualité et les producteurs décident parfois de ne pas la faire. Cette opération demande beaucoup de travail : pour une coupe sur un hectare, 12 personnes sont nécessaires pendant prés d’un mois. La main d’œuvre est parfois difficile à trouver même si des ouvriers viennent parfois d’autres régions du Maroc pour cette opération. La production moyennne est de 4t par hectare et par coupe.
Apports d’engrais et traitements :
Lors de chaque coupe, les agriculteurs appliquent des engrais, des herbicides et des insecticides.
Opérations post récoltes
Séchage :
Après la coupe, le henné est disposé dans un séchoir. Ces séchoirs peuvent être en pisé ou en béton. Le séchage dure de 4 à 8 jours en fonction du climat. Le séchoir est conçu pour protéger le henné contre la pluie et le soleil tout en favorisant une bonne aération. En effet, le soleil risque de brûler les feuilles et la pluie risque de les faire moisir. A l’intérieur du séchoir,les feuilles sont disposées sur des claies qui peuvent être en métal ou fabriquées à l’aide de cannes. On peut noter qu’il existe un système d’entraide pour les producteurs qui n’ont pas de séchoir : Ceux qui en ont mettent gratuitement leur séchoir à la disposition de leurs amis.
Photo 4 : Séchoir en béton
Récupération des feuilles :
Après le séchage, le henné est regroupé en tas au milieu du séchoir. Les feuilles sont séparées des tiges à l’aide d’une fourche, en les retournant les secouant et les battant légèrement. Les feuilles sont ensuite placées dans des sacs de 20kg.
Commercialisation du henné
Le henné est vendu en feuilles. Au Maroc, le marché principal du henné se situe à Marrakech.
Ainsi, ce sont des acheteurs de Marrakech qui fixent les prix puis viennent dans la région prendre livraison des feuilles de henné. Il est ensuite transporté à Marrakech, moulu, ensaché et vendu sur place et dans tout le pays. Le prix est soumis à une forte variabilité : il fluctue entre 4 et 25 Dh le kilo pour le henné vendu en feuilles (cette année, par exemple, le kilo de feuilles de henné se vend autour de 9 Dh). Ainsi, à l’heure actuelle le seul moyen des producteurs pour lutter contre la variation des prix reste le stockage. Lorsqu’ils n’ont pas un besoin urgent de trésorerie et qu’ils ont un local à disposition, les agriculteurs choisissent parfois de stocker les sacs de feuilles pour les vendre quand les prix sont meilleurs.
Photo 5 : Stockage du henné
Un petit nombre d’agriculteurs a investi dans un moulin pour traiter leur henné. Ils achètent aussi le henné à d’autres producteurs pour le moudre et le vendre ensuite. Cela leur permet de le vendre à un prix plus élevé. D’autres choisissent d’aller eux même à Marrakech pour vendre leur production. Ces deux stratégies ont le même but : réduire le nombre d’intermédiaires et récupérer une plus grande part de la valeur ajoutée.
Qualité du henné Après l’achat, le henné est classé en 4 catégories en fonction de sa qualité. Bien que le prix d’achat au producteur soit identique, il est ensuite revendu à des prix différents :
La qualité du henné dépend de la couleur (il doit être bien vert), de la quantité de débris présents (seules les feuilles ont un pouvoir tinctorial) et de son humidité.
Valeur ajoutée par hectare
Production brute : 144 000 Dh
Consommation intermédiaire :
Fumier : 10 000 Dh
Engrais : - K : 2400 Dh
Urée : 1400Dh
P : 4320 Dh
Insecticide : 2000 Dh
Gaz pour l’irrigation : 9600Dh
VAB = 114 280 Dh par hectare
Frais de main d’œuvre :
Désherbage : 3 femmes pendant 6 jours : 360 Dh
Récolte : 10 personnes pendant 20 jours par coupe : 24 000 Dh
MB = 89 920 Dh par hectare
Autre conduite du henné : comparaison Foum Zguid et Aït Hemmane
Dans la région de Tata, Foum Zguid est la principale zone de production du henné. Pour autant, il existe des producteurs de henné dans d’autres douars. Dans certains douars, le henné peut être cultivé à petite échelle, dans les jardins, le plus souvent par les femmes. Dans ce cas, le henné produit sert uniquement à l’autoconsommation de la famille. Nous avons choisi de nous intéresser à un cas intermédiaire. Pour cela nous avons choisi le douar de Aït Hemmane où le henné est cultivé dans des parcelles mais reste encore peu commercialisé.
Photo 6 : Conduite du henné à Aït Hemanne
Comparaison Foum Zguid/Aït Hemmane
II.2 Les plantes médicinales
Diversité des plantes médicinales
Il existe au Maroc une grande diversité de plantes qui ont des vertus médicinales. Parmi les 40
000 espèces végétales existantes au Maroc, plus de 280 plantes sont actuellement exploitées.
L'origine de l'exploitation de ces ressources remonte à l’Antiquité. Le transport se faisait par caravane depuis la région d'Agadir. Cette activité a continué de s'exercer d'une façon traditionnelle.
Mais il ne s’agit pas pour autant uniquement de tradition car ces plantes sont toujours véritablement utilisées dans les familles. En effet, la totalité des gens que nous avons rencontrés utilise les plantes médicinales et une grande partie d’entre eux récoltent occasionnellement des plantes. Ce phénomène peut être relié à trois facteurs majeurs :
- Les familles de la région ont des revenus faibles et elles se tournent donc de plus en plus vers la médecine traditionnelle qui reste peu chère.
- Malgré le développement des infrastructures, les oasis restent des zones enclavées. Ainsi, il n’est pas toujours facile d’avoir accès au système de santé moderne alors qu’on trouve des plantes médicinales dans tous les villages.
- Enfin, au Maroc comme en Europe on assiste actuellement à une réelle évolution des mentalités. Les gens sont de plus en plus attirés par les remèdes « naturels ».
Ces trois facteurs sont des éléments déterminants pour la prise en compte et le développement de l’usage des plantes médicinales.
Photo 7 : Agaya
Photo 8 : Gartofa
Les plantes médicinales dans la zone d’étude
Nous avons mis en évidence deux situations différentes dans notre zone d’étude.
Dans toutes les oasis, il y a de la cueillette de plantes médicinales pour une utilisation traditionnelle. Ces plantes sont le plus souvent autoconsommées même si elles se vendent parfois localement à des prix très faibles.
Il y a cependant une exception dans le cas de l’armoise : Une société de Marrakech vient régulièrement dans les villages. Celle-ci passe des contrats avec les communes pour acheter l’armoise qui pousse sur le territoire villageois. Ainsi, la société paye la main d’œuvre, c’est à dire essentiellement les femmes pour récolter ces plantes.
La situation est différente à Tissint (ville située à 60 kilomètres à l’est de Tata). En effet, cette ville est réputée pour ses herboristes. Sur les cinq quartiers que compte la ville, un est spécialisé dans cette activité : sur les 260 familles de ce quartier, 200 sont des herboristes.
Ces herboristes ne se contentent pas de cueillir et de vendre des plantes, ce sont en fait de véritables médecins traditionnels. Chaque herboriste choisit ses plantes et réalise ses propres mélanges adaptés à chaque « patient ». Il faut noter que les herboristes de Tissint sont en majorité originaire d’Afrique sub-saharienne. Leur savoir est originaire de cette région (et d’ailleurs, certaines plantes en proviennent toujours) et s’est transmis de génération en génération. Mais la spécialisation dans cette activité est aussi la conséquence de l'organisation sociale du village. En effet, ces herboristes n'ont pas d'accès à la terre et à l'eau et ils ne peuvent donc pas avoir de revenus par l'agriculture. Dans ce contexte, l'herboristerie leur permet de vivre et de subvenir aux besoins de leur famille.
Usage des plantes médicinales
Les villageois de la région de Tata connaissent et utilisent les plantes médicinales. Leur connaissance est cependant générale et les villageois vont parfois consulter des herboristes pour certains problèmes particuliers. Il faut d’ailleurs noter que comme en médecine classique il existe des herboristes « généralistes » et des herboristes « spécialisés ». En ce qui concerne les plantes, il en est de même car certaines plantes ont de très nombreux usages médicinaux (comme nous l’a dit une villageoise, « cette plante (timzira), elle est bonne pour tout » ) alors que d’autres sont très spécialisées.
La majorité des plantes médicinales sont des plantes de montagne même si certaines poussent aux environs du village. Les plantes sont le plus souvent cueillies directement par les familles.
Mais ces familles ne vont en général pas en montagne spécifiquement pour cueillir les plantes : elles en récupèrent par exemple lorsqu'elles vont moissonner l'orge de montagne.
D'autres plantes poussent parfois très loin du village et celles ci sont souvent achetées aux herboristes par les villageois.
Photo 9 : Différentes plantes médicinales
Valorisation des plantes médicinales
Il existe en général peu de valorisation des plantes médicinales : après la récolte, celles ci sont mises à sécher et utilisées telles quelles pour des infusions. Elles ne sont pas conditionnées ou alors en très gros sac.
Il y a très peu de commercialisation, sauf dans le cas de Tissint. En effet, dans ce village la vente des plantes médicinales représente le seul moyen de subsistance de toute une partie de la population. Les herboristes de Tissint se déplacent dans tout le Maroc pour vendre leurs plantes mais chacun a son propre circuit de commercialisation. Il y a deux principaux modes de vente de ces plantes : sur les souks (principalement ceux des grandes villes) et sur commande. En effet, ces herboristes ont un réseau de clients bien établi qui les appellent pour obtenir les plantes dont ils ont besoin. Ainsi, les hommes des familles d'herboristes voyagent tout au long de l'année. Ils ne rentrent à Tissint que pour l'Aïd. Ils profitent de ce retour pour se fournir en plantes que leur femme et leurs enfants ont récoltées pendant toute l'année.
II.3 Le miel
L'aridité du climat n'est pas favorable à une production de miel en grosse quantité. Cependant, de nombreuses espèces de plantes mellifères sont présentes dans la région, dont la plupart ont des vertus médicinales. Il en résulte que le miel obtenu est un produit de qualité, assimilé à un médicament. On trouve deux races d'abeilles: l'abeille tellienne (Apis mellifica intermissa Buttel-Reepen) et surtout la " saharienne " ou abeille dorée du Sahara (Apis mellifica sahariensis) L'apiculture étant peu développée, il nous a semblé nécessaire d'étudier cette production de plus près.
La zone de production :
L'espace pastoral dans lequel on trouve des plantes mellifères est vaste. Cependant, les oasis d'altitude se prêtent plus au développement de l'apiculture, car les abeilles peuvent y trouver des fleurs toute l'année. Ceci est d'autant plus vrai les années de sécheresse qui sont fatales à une partie des essaims, même en zone montagneuse.
Ainsi nous avons étudié l'apiculture dans l'oasis de Tagmout qui est une oasis de montagne.
Le produit "miel de la région de Tata" :
Comme nous le disions en introduction, le miel qui est vendu dans la région est un produit de qualité, très recherché.
La place du miel dans la culture islamique, mais surtout marocaine est importante. Cité dans le Coran comme bénéfique pour la santé, ce produit est bien sur un aliment, mais également un médicament largement utilisé dans la médecine traditionnelle à cause de ses propriétés intrinsèques qui en font une panacée capable de guérir presque tous les maux, mais également comme édulcorant pour adoucir diverses préparations. Il entre aussi dans la confection de mets fortifiants ou aphrodisiaques.
En aucun cas il n'est assimilé par la population marocaine à du simple miel de table (obtenu dans des régions produisant du miel en plus grande quantité) Il est consommé à petite dose, en tant "qu'alicamant". Il doit sa renommé notamment au thym mais aussi aux nombreuses autres plantes médicinales qui entrent dans sa composition. Des commandes sont passées de tout le pays aux producteurs Tagmoutis. La demande est très supérieure à l'offre actuelle. Le prix du kilo est supérieur à 250Dh (~25€) et peut atteindre 400Dh (~40€).
La conduite technique :
Le rucher est conduit de façon traditionnelle.
Des essaims sauvages sont récoltés en début de campagne, tôt dans la journée pour profiter de l'engourdissement par le froid. Sinon, ils peuvent être achetés à d'autres apiculteurs, même si la plupart sont offerts entre amis. En effet, nous verrons que l'essaimage est fréquent et permet de multiplier rapidement le nombre de ruches.
La ruche traditionnelle utilisée est un cylindre en vannerie de canne. Sa longueur est de 1,20m et son diamètre de 0,30m.
Fermé aux deux extrémités par un plateau tressé ou une planche, il est enduit d'une épaisseur de 2 à 3 cm de terre qui assure l'étanchéité.
Les trous de vol sont situés au bas de chaque couvercle.
Elles sont souvent installées côte à côte à même le sol ou sur une étagère, quelquefois sous un auvent. Dans les oasis, on trouve cependant de nombreuses ruches en bois de palmier, fabriquées par les apiculteurs eux-mêmes. Dans les deux cas, elles sont de petite taille et ne peuvent que très rarement abriter plus de 10 000 abeilles. Elles ne comportent pas de rayon, ce qui contraint les abeilles à tout reconstruire après chaque récolte.
Photo 10 : Ruche en canes recouvertes de terre
Photo 11 : Rayon fait par les abeilles : aucune structure ne permet de les conserver après récolte Plus que le faible volume des ruches, l'absence d'opération visant à détruire les futures reines surnuméraires provoque des essaimages très fréquents. Ceci limite le nombre d'abeilles par ruche et diminue l'efficacité de la production de miel.
Pour les autres opérations techniques, les apiculteurs spécialisés les connaissent bien. Elles nécessitent un suivi permanent des ruches, sinon c’est l’échec. Les Marocains ont un adage qui rappelle cela : « Les brebis sont pour qui les veut, les abeilles sont pour qui elles veulent ». Ce suivi est principalement constitué de deux types d'opérations :
L’approvisionnement en eau et les soins apportés aux ruches. En effet, dans ce climat aride, les abeilles doivent pouvoir boire tous les jours. L'entretien de la ruche consiste en un nettoyage régulier et une surveillance des parasites éventuels (autres insectes et acariens). Il est également parfois nécessaire de déplacer les ruches, afin de les protéger des trop fortes chaleurs et de la pluie.
Photo 12 : Rucher traditionnel à Tagmout : la plupart des ruches sont en bois de palmier.
Photo 13 : Trous de vol d’une ruche en bois
Ces ruches produisent environ 4kg de miel chacune. Cependant certains producteurs qui s’investissent peu dans l'apiculture, n'obtiennent que 2kg/ruche, ce qui les oppose fortement aux producteurs spécialisés qui arrivent à obtenir jusqu’à 15kg avec certaines ruches.
L’apiculture au sein des oasis
Même si Tagmout est une oasis connue par sa production de miel, celle-ci reste relativement marginal. En effet, les producteurs spécialisés (qui ont tous au moins une quinzaine de ruches) sont peu nombreux (on nous en a cité 8 seulement). De nombreuses familles ont tout de même une ou deux ruches, qui leur fournit du miel pour l’autoconsommation, et dont seulement une très faible part est vendue.
La faible part que représente l’apiculture dans le système d’activité des familles explique le peu de revenu que cela génère dans la plupart des familles. En revanche, les apiculteurs spécialisés obtiennent un revenu important par la vente de miel. L’investissement est faible, et même si les productions sont moyennes, le prix du miel est très élevé et le marché est vaste.
Ainsi, pour un investissement de départ de 6000Dh, le revenu annuel escompté est de plus de
10 000Dh la première année, et de plus de 15 000Dh ensuite (cf. annexes).
Cependant, cette activité demande une main d’œuvre importante. Les taches ne sont pas pénibles, mais il faut s’occuper du rucher quotidiennement, tout au long de l’année. Le savoirfaire de l’apiculteur est primordial pour la production de miel, et même pour la survie des abeilles. Il apparaît d’ailleurs que certains se buttent au manque de compétences pour se lancer dans la production de miel.
II.4 Les amandes, amandes amères, douces et amelou
A Tagmout, les conséquences de l’altitude sur le climat permettent de cultiver des amandiers dans la palmeraie. Presque tous les propriétaires en ont dans leurs parcelles. Il apparaît que c’est une culture pratiquée depuis de nombreuses décennies. Les amandes sont douces et amères. Ce critère importe peu aux producteurs, même si l’utilisation qu’ils en font est différente.
Photo 14 : Amandiers en bordure de palmeraie avec une couverture d’orge
La culture :
Les arbres sont rarement regroupés au sein d’une parcelle. Ils sont plutôt dispersés dans les différentes parcelles de chaque propriétaire. Ceci est non seulement l’œuvre du temps et des plantations successives, mais est également dû à l’objectif des agriculteurs : ils ne souhaitent pas cultiver les amandiers intensivement. Ils bénéficient de la fumure et de l’eau apportée sur la parcelle sur laquelle ils se trouvent (souvent associés à des céréales).
Les arbres sont âgés. Les producteurs les remplacent rarement. L’entretien qui leur est apporté est également très limité. Deux raisons expliquent de cette faible quantité de soins :
- De nombreux arbres ont été transmis par héritage. L’indivision bloque la prise de décision. Les personnes présentes sur l’exploitation ne peuvent couper des branches sans en discuter avec les autres propriétaires émigrés.
- Le manque de connaissance : certains producteurs nous ont dit posséder des arbres personnellement, mais ne pas savoir comment les tailler.
Les arbres entrent en production au bout de 7 à 8 ans en règle générale, et ne produisent beaucoup que pendant une courte période. Cependant, les vieux amandiers ne sont pas supprimés. Seuls les arbres morts peuvent être replantés. Depuis quelques années, on observe une diminution du nombre d’individus, car beaucoup meurent à cause des sécheresses fréquentes.
Production et valorisation :
La production des arbres de Tagmout est faible : 8 à 10kg d’amandes décortiquées par amandier. Certains producteurs se souviennent pourtant avoir connu des rendements moyens de 20 à 30 kg par arbre. Si l’âge et le faible entretien des arbres sont la cause la plus probable de cette diminution, la population locale l’explique par la pratique de la lessive dans les séquias qui altère la qualité de l’eau d’irrigation.
Pour cette production également la demande est supérieure à l’offre. Les années où la demande provoque l'augmentation des prix sont pourtant exceptionnelles.
Les amandes amères sont vendues en totalité à une société qui vient les chercher d’Agadir. Il nous a été impossible de connaître la destination finale de la production. Il semble probable que ces amandes sont utilisées dans l’industrie cosmétique.
Les amandes douces sont en majeure partie consommées par la population de Tagmout : autoconsommation, ventes ou dons.
Une faible partie sert à faire du Amelou, ironiquement appelé "le nutella berbère". Il s’agit d’une recette élaborée à la base à partir d’huile d’argan, d’amande et/ou d’arachides et de miel ou de sucre. L’arganier n’étant pas présent à Tagmout, l’amelou qui y est préparé est à base d’huile d’olive. Il s’agit d’un produit à forte valeur ajoutée : il est vendu 150Dh/L alors que les matières premières pour faire un litre coûtent moins de 50Dh.
II.5 L'Amaghouss
Cependant, il existe une limite à cette production : l’oasis manque cruellement de grenadiers acides pour augmenter les volumes d’amaghouss produits. En effet, cet arbuste est peu apprécié des producteurs. Même s’ils en reconnaissent l’utilité médicinale, il est considéré comme un arbre parasite. Contrairement au grenadier doux qui est planté dans les parcelles, la variété acide qui se cantonne aux bordures de champs est éliminée par les agriculteurs. En effet, malgré les débouchés à des prix raisonnables (50Dh/L) que représente l’amaghouss, il ne parait pas rentable aux producteurs. Il faut effectivement se rendre compte qu’il faut 7L de jus de grenade acide, du bois de chauffe pour 24h par cuisson et une main d’œuvre importante pour faire un litre d’amaghouss.
Il existe deux types de personnes faisant cette préparation :
- Les femmes des agriculteurs : souvent, cette activité leur prend beaucoup de temps et il est vrai que pour leur mari, cette occupation peut paraître superflue.
A Tagmout, les femmes préparent une "potion" bien particulière à base de grenades acides : l’amaghouss. Pour cela, elles décortiquent les grenades acides et les broient pour en extraire le jus, qu’elles font bouillir jusqu’à ce qu’il devienne noir et perde 85% de son volume (environ 24h). Le liquide obtenu est un médicament fréquemment utilisé. Sa renommée est nationale bien qu’il ne soit produit que dans quelques régions (Tagmout, Issafen et
Tinkhit). Des gens viennent en chercher de très loin. Il semble que l’efficacité du produit propagée de bouche à oreille soit à l’origine de ce succès. La demande est donc très importante.
Photo 15 : Moulin pouvant servir à broyer les grenades pour en extraire le jus
Photo 16 : Grenade acide
Photo 17 : Amaghouss (1/2L)
Cependant, il existe une limite à cette production : l’oasis manque cruellement de grenadiers acides pour augmenter les volumes d’amaghouss produits. En effet, cet arbuste est peu apprécié des producteurs. Même s’ils en reconnaissent l’utilité médicinale, il est considéré comme un arbre parasite. Contrairement au grenadier doux qui est planté dans les parcelles, la variété acide qui se cantonne aux bordures de champs est éliminée par les agriculteurs. En effet, malgré les débouchés à des prix raisonnables (50Dh/L) que représente l’amaghouss, il ne parait pas rentable aux producteurs. Il faut effectivement se rendre compte qu’il faut 7L de jus de grenade acide, du bois de chauffe pour 24h par cuisson et une main d’œuvre importante pour faire un litre d’amaghouss.
Il existe deux types de personnes faisant cette préparation :
- Les femmes des agriculteurs : souvent, cette activité leur prend beaucoup de temps et il est vrai que pour leur mari, cette occupation peut paraître superflue.
A Tagmout, les femmes préparent une "potion" bien particulière à base de grenades acides : l’amaghouss. Pour cela, elles décortiquent les grenades acides et les broient pour en extraire le jus, qu’elles font bouillir jusqu’à ce qu’il devienne noir et perde 85% de son volume (environ 24h). Le liquide obtenu est un médicament fréquemment utilisé. Sa renommée est nationale bien qu’il ne soit produit que dans quelques régions (Tagmout, Issafen et Tinkhit). Des gens viennent en chercher de très loin. Il semble que l’efficacité du produit propagée de bouche à oreille soit à l’origine de ce succès. La demande est donc très importante.
Photo 15 : Moulin pouvant servir à broyer les grenades pour en extraire le jus
Photo 16 : Grenade acide
Photo 17 : Amaghouss (1/2L)
- Les femmes des foyers sans terre. Deux options sont alors possibles : 1) l’agriculteur invite des femmes à venir chez lui faire de l’amaghouss. Il fournit alors tout (bois, vaisselle et grenades) et garde la majeure partie du produit (jusqu’à 95%) - 2) l’agriculteur donne seulement les grenades aux femmes, qui lui rendent moins de 25% du liquide obtenu.
Il semble donc que dans le deuxième cas l’agriculteur a très peu de charges. Les exploitants préfèrent cependant consacrer leurs parcelles à d’autres cultures que celle du grenadier acide.
III Actions entreprises et projets
Toutes ces productions n'ont été jusqu'à présent que peu prises en compte par les structures de développement. En effet, celles-ci se sont plus concentrées sur les productions
"traditionnelles" des oasis qui sont seules censées générer un revenu pour les agriculteurs. La seule culture à laquelle les structure de développement se sont déjà intéressés est le henné qui bénéficie déjà d’un marché important aussi bien au Maroc que dans d'autres pays notamment d'Europe.
Or les autres productions que nous avons étudiées représentent des opportunités intéressantes pour les oasis. Certains producteurs l'ont déjà compris et tentent de s'organiser pour mieux développer, valoriser et commercialiser ces productions.
En effet, les plantes médicinales et tinctoriales représentent un capital important en terme de biodiversité : ces plantes sont nombreuses et certaines sont spécifiques de la région. Mais elles représentent aussi un capital en termes de savoirs et de savoirs-faire locaux agricoles (la culture du henné ou des grenadiers) artisanaux (la fabrication de l'Amaghous, du Amlou…), artistiques et culturels (tatouages au henné…) ou médicaux (utilisation des plantes médicinales…) par exemple.
Ainsi, dans un contexte de développement du tourisme dans la région de Tata (avec l'ouverture des routes, la création d'infrastructures …) ces productions particulières représentent un réel atout pour le développement de la région notamment grâce à l'engouement de plus en plus marqué des occidentaux mais aussi des Marocains pour le tourisme vert (écologique) qui pourrait profiter aux oasis. De plus, face aux abus de l'agriculture productiviste et aux scandales médicaux de ces dernières années de plus en plus de gens se tournent vert les médecines douces et essaient de se soigner par les plantes. Ainsi, ce nouvel attrait pour les remèdes traditionnels pourrait permettre de trouver de nouvelles valorisations, de nouveaux débouchés pour ces productions et ainsi contribuer au développement local.
III.1 Le henné : actions entreprises et projets
Le henné dans la région de Foum Zguid représente une source de revenu très importante pour les agriculteurs à la différence de la région de Aït Hemmane où le henné est essentiellement destiné à l’autoconsommation et à des usages sociaux. Bien que les actions entreprises et les projets envisagés soient donc différents, on retrouve dans les deux cas la même volonté de développer la culture, mieux valoriser le produit, mettre en place une meilleure organisation de la filière et trouver de nouveaux marchés.
Développement de la culture du henné
Production
Les agriculteurs de Foum Zguid estiment que la production de henné est quasi optimale. En effet, ils apportent déjà beaucoup de soin à cette culture qui est conduite de façon relativement intensive (utilisation de fumier, d’engrais et d’insecticides en quantité importantes). Autour de Foum Zguid, la production s’élève à 16 t par hectare et par an. Aussi l’augmentation de la production ne nous a pas semblé être une préoccupation majeure à Foum Zguid.
La situation est différente à Aït Hemmane où la production de henné est plus faible (autour de
8 t par hectare). Il y a différentes explications à cela. Tout d’abord, le mode de conduite est différent puisque le henné est cultivé sous forme d’arbre et récolté seulement trois fois par an (contre quatre à Foum Zguid). Le mode de coupe est aussi différent : à Foum Zguid, la plante entière est coupée alors qu’à Aït Hemmane, seules les feuilles sont coupées. Un des souhaits majeurs de ces agriculteurs est d’augmenter le rendement. Pour cela ils songent à adopter le mode de conduite pratiqué à Foum Zguid. Afin de s’informer, ils souhaiteraient organiser un voyage d’étude pour un petit nombre d’entre eux pour rencontrer les agriculteurs de Foum
Zguid.
Augmentation des surfaces cultivées
Dans les deux situations que nous avons étudiées, les agriculteurs ont la volonté d’étendre les superficies cultivées en henné.
A Foum Zguid, les surfaces sont déjà importantes mais les agriculteurs que nous avons rencontrés prévoient de créer de nouvelles parcelles. En effet, il existe une grande surface de terres collectives « bour » appelées « Ol Batha » (Ce qui signifie, la plaine) que les agriculteurs prévoient d’occuper. Pour cela, ils comptent s’approprier individuellement ces terres en construisant des puits privés. C’est déjà ce qui s’est passé pour les parcelles cultivées aujourd’hui. Cela permettrait d’augmenter de façon très importante les quantités de henné produites localement. Il existe donc un fort potentiel pour développer cette culture à Foum
Zguid.
A Aït Hemmane aussi les agriculteurs veulent augmenter les surfaces cultivées mais la situation est différente. Pour l’instant, le henné est cultivé à l’intérieur de l’oasis uniquement.
Le projet des agriculteurs serait de mettre en culture des zones « bour » disponibles. Mais pour cela, il faut construire des puits collectifs ou individuels et les moyens manquent pour l’instant. Un projet à mener pourrait donc être d’étudier plus finement la situation pour mettre en place de nouveaux puits avec une gestion collective.
Amélioration de la valorisation
A l’heure actuelle, le principal souhait des agriculteurs concerne la valorisation du henné. En effet, celui-ci reste très peu valorisé. Il est le plus souvent vendu en feuilles sans transformation. Or un développement de cette culture passe probablement par la récupération par les agriculteurs d’une plus grande part de la valeur ajoutée par cette production. Avec les agriculteurs, nous avons envisagé quatre voies possibles d’amélioration de la valorisation de ce produit.
Produire du henné de qualité
Tous les agriculteurs rencontrés cherchent à produire un henné de qualité. Cependant, le mode de classement du henné selon la qualité, pratiqué actuellement n’incite pas nécessairement les agriculteurs à rechercher la meilleure qualité possible. En effet, lorsque le henné est acheté en feuilles, il est toujours acheté au même prix quelle que soit sa qualité. Le classement n’est fait qu’après lorsqu’il est réduit en poudre. Pour développer un henné de qualité, il faudrait peut-être envisager une autre façon de déterminer la qualité.
Selon les dires des agriculteurs le henné de Aït Hemmane serait de meilleure qualité notamment du fait du mode de récolte. La poudre de henné produite ne contient dans ce cas que des feuilles alors que malgré un tri celui de Foum Zguid contient des débris de tiges. Pour cette raison, on peut se demander si le changement de mode de culture envisagé par les agriculteurs de Aït Hemmane est vraiment adapté à l’évolution de la filière.
Transformer le henné
Aussi bien à Foum Zguid qu’à Aït Hemmane, le principal projet des agriculteurs rencontrés est de transformer eux même le henné. En effet, la poudre de henné se vend à un bien meilleur prix que le henné en feuilles (un kilo de henné en poudre se vend jusqu’à 50Dh le kilo).
Certains agriculteurs ont des moulins individuels mais le prix d’achat de ces moulins les rend inaccessibles à la majorité des producteurs. L’investissement dans un moulin doit donc probablement s’envisager comme un investissement collectif dont la forme et les modalités sont à déterminer en fonction du projet des agriculteurs. Le type de moulin à mettre en place est bien évidemment différent à Foum Zguid et à Aït Hemmane. En effet, si on peut envisager de mettre en place de petites unités à Aït Hemmane le projet de moulin de Foum Zguid doit être plus important, pour pouvoir transformer de plus grandes quantités.
Photo 18 : Poudre de henné
Améliorer le conditionnement
En même temps que les moulins, les agriculteurs sont intéressés par la mise en place de petits conditionnements. La vente au détail permet de récupérer une plus grande partie de la valeur ajoutée. Cela permet aussi un stockage plus facile et moins volumineux. Un projet de vente de henné en petit sachet a déjà été mis en place par l’ALCESDAM mais cela reste pour l’instant une initiative isolée.
Limiter le nombre d’intermédiaires
L’organisation actuelle de la filière n’est pas au bénéfice des agriculteurs. En effet, le henné est vendu au bord du champ, à un prix fixé par le marché de Marrakech. En vendant eux même leur henné, les agriculteurs peuvent récupérer une plus grande partie du prix de vente.
Cela passe par la mise en place de nouveaux circuits de commercialisation.
La réalisation de ces quatre points nécessite la recherche de nouveaux marchés. En effet, avant de développer la culture et la transformation de cette plante, il convient de s’assurer que la demande permettra d’absorber l’offre. Suite à ces enquêtes, il nous semble que ces marchés potentiels existent. Le Henné a une importance primordiale dans tout le Maroc et les consommateurs sont à la recherche de henné de bonne qualité. En Europe, le tatouage éphémère est à la mode et dans ce cadre, le henné peut certainement avoir un marché. Au-delà du tatouage, le henné intervient dans la composition de nombreux produits de beauté : shampooing, produits de bronzage…Avec l’attrait des européennes pour les produits de beauté naturels, ce produit a probablement un avenir devant lui.
L’autre point nécessaire au développement de la filière est l’organisation des producteurs.
Mais quels avantages l’organisation des agriculteurs peut-elle apporter à cette filière ?
L’organisation des producteurs
Avantages de l’organisation des producteurs
Faciliter la production d’un henné de qualité :
Si la décision est commune, il est plus facile d’inciter les producteurs à s’engager vers la production de henné de qualité. Cela pourrait peut-être passer par la mise en place d’un véritable cahier des charges ou d’un contrat entre les producteurs et des commerçants pour respecter certains critères (mode de conduite, pourcentage de débris…).
Faciliter l’acquisition d’équipement :
Une organisation permettrait l’achat en commun d’un moulin, d’un local de stockage, d’un séchoir performant… Ces équipements sont onéreux et hors de portée d’un producteur individuel.
Pouvoir embaucher des salariés :
Si un équipement important est mis en place, on pourrait peut-être envisager l’embauche par l’organisation d’un ou plusieurs salariés pour moudre et conditionner le henné. Cette opération pourrait de plus être réalisée par des femmes. Ainsi, cela pourrait contribuer à l’obtention d’un revenu régulier pour les femmes de la région.
Avoir un meilleur pouvoir de négociation :
Jusqu’à présent, le prix est fixé par le marché de Marrakech et les producteurs n’ont pas de pouvoir de négociation. Il ne faut cependant pas oublier que la région de Foum Zguid est actuellement la deuxième région de production de henné au Maroc. Ainsi, en se coordonnant les producteurs pourraient avoir un réel pouvoir de négociation sur le prix.
Obtenir de l’appui technique :
Il est en effet plus facile d’obtenir de l’aide pour une organisation que pour des agriculteurs individuels.
Mettre en place une labellisation :
Pour valoriser les avantages comparatifs de la région de Tata vis à vis du henné, on peut peut-être axer le développement de la filière sur la mise en avant du rapport au terroir, sur les spécificités du produit et sur sa qualité. La labellisation du produit est plus facile si les producteurs sont déjà organisés.
Permettre une reconnaissance du produit :
Aussi bien sur le plan national qu’international, le henné produit dans la région a de nombreux atouts qui pourraient permettre de créer une marque qui serait vendue et reconnue.
Toutes ces propositions ont déjà été plus ou moins bien formulées par les agriculteurs de Foum Zguid mais aussi, à une plus petite échelle, par ceux de Aït Hemmane. Il s’agit maintenant de les aider à préciser ces propositions et à les mettre en œuvre.
Quelle organisation pour les producteurs de henné ?
Suite à nos enquêtes et aux discussions avec les agriculteurs, nous avons envisagé trois types d’organisation possibles.
Organisation d’un petit nombre de producteurs
Un petit nombre de producteurs se regroupe. Leur organisation a pouvoir d’exemple pour les autres producteurs. Ils peuvent aussi fournir des prestations de services aux autres agriculteurs qui ne font pas partie de cette organisation pour moudre et emballer le henné. L’inconvénient de cette organisation est que les investissements et les charges restent très élevés pour les membres de l’organisation. Le deuxième inconvénient de cette structure est que les agriculteurs qui ne font pas partie de l’organisation n’en retirent aucun bénéfices directs. En effet, l’organisation leur achètera le henné au même prix que celui des commerçants de
Marrakech.
Coopérative ouverte à tous Cette solution nous apparaît plus égalitaire car elle permet à tous les producteurs de bénéficier de la coopérative. Il faut de plus noter qu’avec un plus grand nombre de coopérateurs l’investissement de départ reviendrait moins cher à chacun des coopérateurs. Ce type de structure soulève cependant deux principaux problèmes : une grande structure risque d’être difficile à gérer par les agriculteurs et il faut en premier lieu être sûr de pouvoir écouler la totalité de la production.
Petites unités multifonctionnelles
Cette organisation pourrait être de type « coopérative » ou simplement « organisation professionnelle ». Ces structures permettraient de valoriser le henné sans pour autant être spécialisé dans cette production. Ainsi, on peut envisager une structure qui s’organise autour de productions variées comme par exemple l’élevage de brebis D’Man, la production de dattes et la transformation du henné.
Vers quels types d’organisations s’orientent les agriculteurs enquêtés ?
A Foum Zguid :
Au niveau des agriculteurs rencontrés, le projet actuel semble être une coopérative qui se monterait autour d’un noyau de 11 éleveurs de D’man qui sont aussi producteurs de henné.
Ainsi, le projet de départ semble bien être une coopérative multifonctionnelle même si les projets en cours concernent essentiellement le henné. Cette coopérative regrouperait un assez grand nombre de producteurs mais ne serait pas ouverte à tous (« ouverte à ceux qu’on connaît », comme nous l’a dit un agriculteur). Cette structure fournirait aussi des prestations de services aux agriculteurs qui n’en feront pas partie. Ce projet est déjà bien avancé car il existe déjà une association et celle-ci a déjà en partie construit un local pour permettre le stockage et la transformation du henné. Cette structure est à la recherche d’un appui financier pour pouvoir acquérir un moulin.
A Aït Hemmane :
Il existe déjà une association « Anakhil »pour les palmiers dattiers. Le premier projet de cette association est de mettre en valeur de nouvelles terres. Dans un deuxième temps, ils souhaiteraient mettre en place une unité de transformation. On se dirige donc aussi vers une unité multifonctionnelle.
III.2 Les plantes médicinales : actions entreprises et projets
Problématiques de ces filières Les problématiques sont différentes à Tissint et dans les autres oasis.
A Tissint
Il existe bien une filière des plantes médicinales dans cette ville. Mais cette filière est très particulière. En effet, elle est fortement liée à des savoirs que les gens ne souhaitent pas partager. Il existe beaucoup de secrets autour de cette activité. Tout d’abord au niveau des compétences des herboristes : il n’existe pas une mais une multitude de connaissances autour des plantes. De l’avis même des herboristes, tous n’ont pas le même niveau de compétence et certains ont des spécialités qu’ils ne veulent pas partager. Mais cette multitude de savoirs concerne aussi les matières premières utilisées. Certains herboristes ont acquis une connaissance fine du milieu et des plantes qui représente pour eux un avantage sur les autres herboristes. Ainsi un grand nombre d’entre eux est opposé à toute organisation de la filière de peur que ces secrets soient divulgués aux autres herboristes.
Il faut enfin noter que même les circuits de commercialisation sont différents d’un herboriste à l’autre. Une mise en commun dans la filière pourrait conduire certains herboristes à perdre des marchés qu’ils sont pour l’instant les seuls à occuper.
Par le passé, il y a déjà eu une tentative d’organisation des herboristes mais celle ci a échoué car ils considéraient que leurs intérêts étaient trop divergents.
Dans ce contexte, on peut se demander si une organisation professionnelle de la filière est vraiment envisageable. Or ceci représente un réel handicap pour l’évolution et ledéveloppement de la filière.
Dans les autres oasis
On peut se demander s’il s’agit véritablement d’une filière. En effet, lorsque la vente est possible, elle est exclusivement locale et les prix de vente des plantes médicinales dans lesoasis sont très faibles et ne peuvent donc pas contribuer vraiment au revenu des familles. Existe-t-il un marché pour ces plantes ? En effet, dans la région la grande majorité des familles va cueillir elle-même ses plantes et elles ne sont pas prêtes à les acheter. Les débouchés possibles se trouvent donc plus dans les grandes villes ou en Europe.
On ne peut donc pas, là non plus parler d’organisation professionnelle et les villageois ne semblent pas convaincu qu’il y ait un réel intérêt à entreprendre des actions pour développer cette filière. En tous cas, rien n’a été entrepris pour l’instant et ce n’est pas sûr que ce soit la filière prioritaire à développer dans tous ces villages.
Pour autant, il y a une exception en ce qui concerne l’armoise pour laquelle il existe un marché déjà bien développé et une demande. Mais, sans avoir pu vraiment étudier cette filière, il nous semble qu’actuellement le prix proposé par la société industrielle pour rémunérer les cueilleurs est faible par rapport à la quantité de travail fourni. On pourrait peut-être envisager un regroupement des cueilleurs permettant une meilleure négociation de la rémunération du travail.
Que peut-on envisager pour le développement de ces filières ?
Etude prospective des plantes médicinales de la région Nous ne pouvons bien évidemment pas prétendre que notre étude apporte de grandes connaissances sur les plantes médicinales et leurs vertus. La diversité de ces plantes et leurs utilisations nécessite une étude beaucoup plus fine, notamment sur le plan pharmaceutique.
Malgré certaines tentatives (à Tissint) personne ne s’est vraiment intéressé aux propriétés de ces plantes. Pour mieux connaître les espèces intéressantes à valoriser et à commercialiser, la première priorité est donc de réaliser une étude chimique et pharmaceutique de ces plantes.
Cette étude devrait permettre de connaître quelles sont les plantes médicinales qui représentent vraiment un avantage comparatif pour la région de Tata (c’est à dire celles qui sont spécifiques à cette région), quelles sont leurs propriétés, leur efficacité et dans quelle mesure elles peuvent être exploitées.
Mise en place de contrats
Si des plantes sont identifiées et intéressent effectivement les laboratoires pharmaceutiques, on pourrait envisager la mise en place de contrats entre les villageois et ces industries pour la cueillette de ces plantes. Il ne faut pas oublier que ces plantes peuvent représenter un potentiel important tant sur le plan pharmaceutique que cosmétique.
Organisation des fournisseurs
L’exploitation de ces ressources ne doit pas se faire au détriment des villageois. Ainsi, la mise en place de contrats devrait s’accompagner de l’organisation des villageois qui cueillent ces plantes afin qu’ils aient un pouvoir de négociation des prix vis à vis des laboratoires.
Règles de sauvegarde de la biodiversité
Dans le même temps, il ne faut pas non plus que la cueillette de ces plantes soit une menace pour la biodiversité. Il faut éviter qu’il y ait une surexploitation du milieu. Cela passe par la mise en place dans les contrats d’une série de règles concernant les lieux de collecte, les modes de collecte des plantes (elles sont pour l’instant arrachées avec leurs racines, ce qui est préjudiciable à une utilisation durable de ces ressources), les périodes de collecte et les quantités maximales de plantes à cueillir.
Construction d’un Agadir traditionnel pour les plantes médicinales
Qu’est-ce qu’un agadir ?
Pour protéger leurs réserves et se défendre, de leurs ennemis les habitants des villages ont construit des bâtiments fortifiés communautaires, les agadirs.
Chaque famille y possède un entrepôt. On y conserve des produits de toute sorte comme les céréales, les amandes, l’huile, des pains de sel, des dattes, du henné, des bijoux, des documents et des titres de propriété.
L’agadir est placé sous la garde d’un gardien tenu pour responsable de tout vol, présent jour et nuit, et qui en garde la clé.
Les rapports sociaux entre les utilisateurs de l’agadir sont régis par les règles de droit coutumier.
On pourrait imaginer d’adapter le principe de l’agadir traditionnel en pisé pour la conservation des plantes médicinales. En effet, cela permettrait une organisation de la filière tout en respectant le caractère individualiste des acteurs de cette filière. Toutes les plantes seraient regroupées au sein de l’agadir mais chaque herboriste (ou récolteur) possédera et son propre compartiment de stockage. Ce système donnera de plus aux agriculteurs un moyen de lutter contre les aléas climatiques. En effet, quand l’année est mauvaise les plantes ne poussent pas ce qui prive les agriculteurs d’une partie de leur revenu. Le stockage des plantes séchées dans l’agadir permettrait d’avoir des plantes à vendre quel que soit le climat de l’année. Si cet agadir était construit cela pourrait aussi constituer un centre d’intérêt touristique, non négligeable. Après la visite de ce bâtiment, les touristes seraient probablement intéressés par l’achat de plantes.
On voit qu’il existe certaines actions qui pourraient être entreprises pour développer cette filière qui représente un potentiel important dans le contexte actuel d’attrait pour les produits naturels.
III.3 Le miel :
Bien que le climat aride limite l’extension de l’apiculture, c’est une activité qui peut trouver une place parmi les productions des oasis de montagne.
Bilan des actions visant à développer la production de miel
Jusqu’à présent les actions en travaux de développement de la production de miel sont restées faibles. Les apiculteurs ont pensé se regrouper pour organiser la filière mais surtout afin de bénéficier d’encadrement et d’aide technique. Si cette idée a germé dans la tête de quelques personnes, elle ne s’est jusqu’à présent pas concrétisée. Il semble que les personnes concernées n’ont pas fait preuve de réelles motivations.
Ainsi, une seule personne a pu ces dernières années améliorer sa technique de façon concrète, notamment grâce à un voyage d’étude organisé par la DPA, et par l’obtention de ruches « modernes » à prix préférentiels.
Proposition d’actions de développement
Il nous semble important de développer la production de miel dans les oasis de montagne. En effet, nous avons déjà souligné les avantages que les populations peuvent trouver dans cette production :
- Le climat d’altitude est favorable. Même si les années de sècheresse représentent à la fois un danger pour les abeilles et une limitation de la production, la quantité et la diversité de plantes mellifères que l’on trouve sont un atout.
- Le produit obtenu est de qualité : il est considéré comme un médicament.
Malgré les faibles quantités que les acheteurs individuels commandent, la demande totale est très élevée. Ces deux critères expliquent le prix très élevé du miel. Ils offrent également une garantie de débouchés en cas d’augmentation des volumes de production.
- De plus, la mobilisation des moyens de production que cette filière nécessite semble adaptée à l’oasis de Tagmout : l’investissement financier est raisonnable, la main d’œuvre permanente nécessaire est présente (les femmes notamment).
Pour favoriser le développement de cette filière, les paysans ont formulé des demandes et ont évoqué diverses limites. Il nous semble donc primordial que trois aspects soient pris en compte :
- Amélioration de la production : rendre disponible un encadrement technique
- Valorisation du produit : organisation collective de la profession
- Des savoir-faire traditionnels primordiaux
Suivi technique des apiculteurs
Jusqu’à présent, l’apiculture n’a pas fait l’objet d’un soutien technique important.
Contrairement à d’autres régions du Maroc. La DPA s’est peu intéressée à la production de miel. De fait ; Tagmout a moins d’avantages que nombre d’autres régions du nord du pays pour une production massive de miel.
Que le contexte dans lequel se trouve Tagmout lui permette de bénéficier de l’appui de la DPA ou non, il semble intéressant d’organiser les producteurs (cf. ci-dessous) pour améliorer les techniques apicoles locales. L’organisation des producteurs est en effet un moyen privilégié pour échanger des informations : connaissances, expériences, techniques…, tester et diffuser des techniques apicoles encore méconnues à Tagmout.
Prenons l’exemple de l’élimination des futures reines surnuméraires (limitation de l’essaimage). Il s’agit d’une technique simple –aucun investissement, pas d’apprentissage complexe– qui consiste à écraser les larves de reines. Il n’est nul besoin de technicien pour aider à la diffusion d’une telle technique s’il existe un groupe professionnel local : cette technique se diffusera naturellement d’elle-même.
Appuyer l’organisation des producteurs
Les producteurs ont clairement formulé le souhait d’organiser la « filière miel ». Nous avons d’ailleurs été étonné de l’intérêt qu’ils manifestaient pour se regrouper : non seulement les « professionnels du miel », mais aussi des petits producteurs, qui n’ont qu’une ou deux ruches.
Sur le plan du développement nous avons tendance à privilégier l’intérêt économique d’un tel regroupement (marché du miel de qualité). Or, il semble plutôt que l’objectif que visent les paysans est une amélioration de leur technique. Comme nous le disions ci-dessus, le regroupement de producteurs est le meilleur moyen de créer un forum de discussion à même de faire circuler des informations utiles au perfectionnement de la conduite des ruches Cependant un groupement à but économique sera naturellement moteur de diffusions techniques. Il serait intéressant, dans un premier temps, de clarifier les volontés des apiculteurs (spécialisés ou non). Le type d’organisation à mettre en place et ses objectifs pourront lors être fixés. Nous pouvons penser qu’il s’agira d’un groupement axé sur la commercialisation du produit. Le marché est porteur : il faut essayer de valoriser au mieux cet aspect. Cela implique de conserver la satisfaction de la clientèle, tout en améliorant les moyens de vente. Le groupe intéressé pourra, s’il le souhaite, mieux cibler sa clientèle, adapter une partie de l’itinéraire technique pratiqué… mais ce qui semble le plus évident est la mise en valeur du produit fini. Que l’on pense à une labellisation ou à une appellation de terroir de Tagmout, il est manifestement indispensable d’améliorer le conditionnement. Un miel de cette qualité, qui de plus se vend souvent en petite quantité, gagnerait certainement à être vendu en petits pots. Etant donné le contexte actuel, il est fort probable qu’il est possible de vendre des pots étiquetés de 200g autour de 100Dh ! Un encadré général sur le conditionnement des produits se trouve ci-dessous (§ L’Amaghouss)
Conservation des savoirs locaux traditionnels
Les diverses innovations qui peuvent être apportées ne doivent pas modifier fondamentalement les façons de faire. Il faut pouvoir conserver la manière pour ne pas perdre cet aspect du patrimoine tagmouti, et ne pas laisser disparaître l’identité de ce miel. Si une organisation professionnelle est mise en place, ou si l’on modifie l’itinéraire technique, il est capital de conserver la qualité qui est à l’origine de la renommée de ce miel.
III.4 Les amandes :
Les agriculteurs sont peu demandeurs d’innovation ou d’amélioration en ce qui concerne la production d’amandes. Les amandes douces, qui sont vendues sur le marché local, sont commercialisées et à un prix qu’ils estiment correct. Les amandes amères sont vendues en totalité pour l’industrie. Les paysans ne savent rien des destinations de ces amandes : ils ne semblent pas décidés à s’organiser pour récupérer de la valeur ajoutée sur ce produit, qui se vend « facilement ».
Le seul souhait qui a été formulé, et qui n’est pas partagé par tous les producteurs porte sur l’entretien des arbres. En effet, nous avons souligné que les amandiers ne sont pas taillés.
Seuls les bois morts sont retirés après la récolte. Certains agriculteurs ont exprimé la volonté d’apprendre à tailler leurs arbres (au moins ceux qui ne sont pas multipropriétaires, « victimes » de l’indivision). A ce propos, une personne nous a affirmé qu’il a déjà été question que l’ALCESDAM forme des tagmoutis à la taille. Il serait donc important de savoir si les membres de groupements multifonctionnels existants sont intéressés par ce type d’(in)formation. Un suivi des connaissances (voire de la production) pourrait alors être intéressant.
III.5 L’amaghouss :
Nous avons vu que les grenadiers acides sont considérés comme une plante parasite par les propriétaires terriens. Aucun ne semble prêt à en augmenter le nombre, et encore moins à en prendre soin. Les familles ne possédant pas ou peu de terres ne peuvent planter ces arbustes. Il semble donc difficile d’augmenter la production annuelle de grenades acides, et donc d’amaghouss. Peut-être qu’en montrant l’intérêt que peut avoir la « culture » du grenadier acide à certains producteurs, il serait possible de leur faire essayer (quelques ares, quelques années) de planter ces arbustes. Il est cependant nécessaire d’étudier le revenu que l’amaghous peut générer, et le comparer à celui d’autres productions.
Ce qui peut facilement être amélioré pour l’amaghouss est le conditionnement du produit fini.
Il en est de même pour plusieurs autres produits (cf. encadré ci-dessous).
Des améliorations possibles grâce au conditionnement : une « démarche qualité » à moindre frais… et qui peut rapporter gros.
Jusqu’aujourd’hui le conditionnement de la plupart des produits est réduit au strict minimum. Cela n’est pas gênant pour la vente sur le marché local.
Cependant, pour les produits qui se vendent déjà ou qui pourraient être vendus sur le marché régional ou national, il est important d’améliorer le « packaging » et la présentation des produits.
L’amaghouss en est un très bon exemple. Il est souvent vendu en bouteilles plastiques récupérées, parfois abîmées (cf. photo cicontre). Le seul fait de remplacer ce récipient par des bouteilles neuves sur lesquelles une étiquette très simple serait accolée changerait totalement l’image externe du produit.
Nous pouvons penser que cet emballage peut faire gagner de la valeur au produit ; et si le coût de ce conditionnement est inférieur aux charges engendrées (ce qui est probable pour plusieurs produits), les agriculteurs ont tout intérêt à faire cette « démarche qualité ».
Reprenons l’amaghouss comme exemple ; Son prix actuel se situe aux environs de 50Dh/L, et il est vendu en bouteille de 0.5, 1 ou 1.5 L. Il y à fort à parier que les acheteurs de Tata, Foum Zguid ou Taroudant sont prêts à acheter des flacons de 0.5 L (bouteilles plastique neuves) étiquetés « Amaghouss de Foum Zguid » à un prix de 40Dh.
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III.6 Qu’en est-il du safran ?
Le safran provient de la récolte des stigmates de la fleur du Crocus sativa. C’est une épice rare d’une grande valeur commerciale, parfois appelé épice du soleil ou épice des dieux. Ce produit est utilisé comme condiment dans la préparation des mets traditionnels et comme colorant des tissus. Cette plante est aussi largement utilisée pour ses vertus médicinales (contre les règles douloureuses, pour faciliter l’accouchement et comme soin de la peau notamment).
Le safran est cultivé dans de nombreux pays, à différentes échelles. Actuellement le plus gros producteur mondial est le Cachemire, le deuxième est l’Iran et l’Espagne reste toujours un gros producteur.
La culture du safran demande des conditions agro-écologiques très particulières même si sa production diminue, la plante peut résister à des températures très froides pendant plusieurs jours si ces périodes ne correspondent pas aux phases sensibles de la plante. Il s’agit d’une culture d’altitude qui peut en général être cultivée à des altitudes variant entre 600 et 1200 m environ. Ces conditions particulières ne s’appliquent bien évidemment pas à la totalité des oasis de la région. Mais dans certaines oasis de montagne, comme Tagmout, les conditions agro-climatiques paraissent favorables à cette culture.
A Tagmout, précisément, certains villageois ont déjà fait des tentatives pour introduire cette culture ce qui montre bien qu’il y a un réel intérêt pour cette plante. En effet, nous avons rencontré un agriculteur qui a cultivé du safran pendant quelques années avant d’arrêter suite à une destruction de la parcelle causée par une irrigation trop importante pendant l’été. Nous avons aussi rencontré une femme qui, cette année, a fait un essai en plantant dix bulbes. Cette femme a récupéré les bulbes à Igherm où vit une partie de sa famille L’intérêt porté à cette culture s’explique aisément : un gramme de safran se vend entre 10 et
15 Dh.
Elle semble de plus adaptée aux conditions sociales de la région. En effet, la productivité de la terre de cette culture est très élevée. Le safran permet d’obtenir un revenu élevé avec de faibles surfaces : Une plantation bien conduite peut donner jusqu’à 6 kg par hectare. Ceci est donc intéressant pour une partie des villageois de Tagmout (ceux qui ont accès à la terre). Ils ne disposent pas de grandes surfaces de terre disponible mais pourraient consacrer une petite surface à cette culture. L’irrigation du safran ne devrait pas poser trop de problèmes pour ces agriculteurs, puisque l’eau est relativement abondante à Tagmout.
Il s’agit aussi d’une culture très exigeante en main d’œuvre. Or il y a une possibilité de trouver de la main d’œuvre à Tagmout et les villageois (en particulier les femmes) sont à la recherche de nouvelles activités. Si cette activité se développait de manière significative, elle pourrait constituer aussi un moyen de lutter contre l’émigration des hommes de Tagmout (qui est considérable actuellement).
De plus, il ne faut pas oublier que Tagmout reste, malgré les efforts qui ont été accomplis, une oasis enclavée et loin des principaux centres de commerce. Le transport des produits agricoles est donc toujours problématique et coûteux. Le safran, quant à lui est extrêmement léger et ne nécessite pas de moyen de transport particulier. C’est un atout important pour le développement de cette activité.
Enfin, il faut replacer cette production dans le contexte mondial. Le safran est encore cultivé dans des pays où le prix de la main d’œuvre est élevé. On pourrait donc envisager une délocalisation de cette culture vers des pays où la main d’œuvre revient moins cher. Dans cette perspective, le Maroc a certainement une carte à jouer.
IV Conclusion
Les productions que nous avons considérées n’ont été que peu étudiées jusqu’à présent. Aussi les références bibliographiques sur ces productions étaient donc rares. Les résultats que nous avons exposés sont donc surtout descriptifs. Ils ont toutefois le mérite de présenter le fonctionnement de certaines productions bien particulières dans le contexte précis de la région de Tata.
Dans une perspective de développement, il semble nécessaire d’approfondir certaines des connaissances que nous avons acquises. C’est notamment le cas pour les vertus des plantes médicinales, les marchés nationaux du henné ou le conditionnement de certains produits.
Il semble, d’après les résultats auxquels nous sommes parvenus, qu’il existe des productions peu ou mal valorisées et qui mériteraient une attention particulière. Il en ressort d’ailleurs une spécialisation locale, due soit au contexte biophysique et climatique, soit aux savoirs-faire locaux. Nous avons vu en particulier que la culture commerciale du henné reste cantonnée à
Foum Zguid (pour l’instant), la cueillette des plantes médicinales se fait uniquement à Tissint et l’apiculture est bien développée à Tagmout.
Ainsi, le développement local doit valoriser opportunités locales et diversifier les ressources et les activités de la région. C’est de cette façon que l’ALCESDAM et la DPA pourront efficacement lutter contre le déclin de cette région et contribuer à la régénération de l’agriculture oasienne.
Remerciements
Nous tenons à remercier d’abord tous les agriculteurs de la région de Tata que nous avons rencontrés et en particulier les villageois de Foum Zguid, Tagmoute et Aït Hemmane. Leur volonté de partager leurs connaissances de l’agriculture et des savoirs traditionnels a beaucoup contribué au bon déroulement de ce stage. Parmi tous les agriculteurs rencontrés, nous souhaitons tout particulièrement à remercier Abdellah pour sa gentillesse, le temps qu’il nous a consacré et son accueil qui reste pour nous un des meilleurs souvenirs de ce stage.
Nous remercions ensuite l’ALCESDAM pour l’accueil, l’assistance logistique et les précieux conseils qu’ils nous ont fourni. Un grand merci notamment à Hassan Mouradi pour son aide malgré son emploi du temps très chargé.
Nous remercions aussi Mustapha Akchour pour l’aide pendant ce stage. Plus que de traduire, il nous a guidé et conseillé tout au long de cette étude. Il nous a apporté une connaissance des habitudes marocaines et du milieu qui nous a permis de nous intégrer dans les différents villages étudiés.
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Sites internet :
Le miel au Maroc
http://perso.club-internet.fr/cetam/maroc.htm
Henné et croyances populaires berbères
http://www.amazigh.info/article77.html
Le 25/02/2022
Source web par : bladi