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Inventorier le patrimoine immatériel, l’exemple de l’IREPI au Québec

Laurier Turgeon Chaire de recherche du Canada en patrimoine ethnologique

Professeur d'histoire et d'ethnologie Département d'histoire et CELAT

Université Laval Québec,

Célia Forget, Coordonnatrice de l’Inventaire des ressources ethnologiques du patrimoine immatériel (IREPI) du Québec

 

Résumé :

L'Inventaire des Ressources Ethnologiques du Patrimoine Immatériel (IREPI) développe, depuis 2006, une méthodologie d'inventaire multimédia unique permettant tout à la fois d'inventorier, de diffuser et de valoriser simultanément les ressources du patrimoine immatériel auprès d'un large public. Lors de cette rencontre, je propose d’exposer les différentes étapes de l’IREPI afin de cerner les rouages de l’inventorisation de l’intangible.

L’IREPI, inventaire informatisé accessible à tous sur le web, présente les nombreuses facettes du patrimoine immatériel du Québec à partir de supports textuels, audio, vidéo et photographiques. Les ressources mises en ligne, plus de 550 à ce jour sur le site Internet www.patrimoine-immateriel.ulaval.ca, mettent en valeur différents traits de la culture québécoise à vocation traditionnelle : métiers, entreprises, musiques, chants, contes, danses, artisanat et autre savoir-faire traditionnel.

En octobre 2003, l‘UNESCO a adopté la convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Dans la convention, l'UNESCO recommandait à ses états membres de dresser un inventaire du patrimoine culturel immatériel présent sur leur territoire. Bien que l‘appel ait été lancé, aucun projet d‘inventaire national n‘avait été mis en œuvre.

Si le patrimoine a fait référence pendant longtemps aux biens matériels (sites historiques, bâtiments, vestiges archéologiques, collections muséales), il s'ouvre maintenant de plus en plus au domaine très riche et encore peu exploité du patrimoine immatériel ou ethnologique, c‘est-à-dire aux récits oraux, aux fêtes, aux rites, aux chansons, à la cuisine et plus généralement aux pratiques culturelles traditionnelles ainsi qu‘aux savoirs et savoir-faire transmis de génération en génération. En plus de donner sens au patrimoine matériel, le patrimoine immatériel contribue à la créativité humaine, au renforcement du sentiment d'appartenance, aux spécificités régionales, à la diversité économique et culturelle, et donc au développement durable des ressources. La connaissance, la valorisation et la diffusion des ressources du patrimoine immatériel contribuent au dynamisme et à la vitalité des villes et des régions.

Mais par sa nature même, le patrimoine immatériel ne peut être diffusé ou valorisé par les moyens communément utilisés pour les ressources matérielles. L‘objectif du projet d‘Inventaire des ressources ethnologiques du patrimoine immatériel est de définir ces nouvelles balises, de poser les bases d‘un système qui pourra être utilisé à l‘échelle mondiale et de trouver de nouveaux moyens de valorisation et de diffusion de ce patrimoine intangible.

À l‘automne 2003, la Chaire de recherche du Canada en patrimoine ethnologique de l‘Université Laval, dirigée par Laurier Turgeon, entamait une réflexion théorique et méthodologique afin de créer des outils d‘inventaire, de définir des critères de sélection et d‘évaluation des ressources ethnologiques du patrimoine immatériel et d‘identifier les actions culturelles les plus appropriées pour la valorisation des ressources ethnologiques locales. L‘Inventaire des ressources ethnologiques du patrimoine immatériel, connu sous le nom de l‘IREPI, voyait ainsi le jour. Ce projet, mis en œuvre par la Chaire de recherche du Canada en patrimoine ethnologique de l‘Université Laval, a pu être développé grâce aux partenariats établis avec le ministère de la Culture, des Communications et de la Condition Féminine, le ministère des Affaires Municipales, des Régions et de l‘Occupation du Territoire, la Société québécoise d‘ethnologie, le Conseil Québécois du Patrimoine Vivant et le musée de la culture populaire de Trois-Rivières.

En 2004, pour démarrer le projet, la Chaire a mené un projet-pilote de collecte sur le terrain afin de tester la méthodologie choisie. Plusieurs équipes d‘étudiants sont alors parties sur le terrain pendant l‘été afin de recueillir des ressources sur le patrimoine immatériel d‘un quartier de Montréal et d‘une région. Parallèlement à l‘expérience de terrain, la phase pilote a permis de développer un système de gestion informatisé des ressources ethnologiques inventoriés. Ce système a donné lieu à une application informatique d‘une base de données Web qui comporte un modèle de fiche-inventaire standardisé et qui constitue la base du répertoire numérique. Le site internet créé permet ainsi d‘avoir accès aux informations recueillies sur les porteurs de tradition et à des extraits audio, vidéo et à des photographies qui aident à visualiser le savoir ou le savoir-faire mis en lumière.

À ce jour, les étudiants chercheurs du projet d‘Inventaire ont répertorié plus de 550 ressources du patrimoine culturel immatériel qui sont actuellement en ligne. Ces dernières ont été inventoriées par des équipes qui ont mené des enquêtes depuis trois ans dans les différentes régions du Québec. En naviguant sur le site, on découvre plusieurs pratiques actuelles qui s‘enracinent dans une histoire locale, qui constituent d‘importants pôles d‘une région et qui témoignent de la diversité culturelle. Le site s‘enrichit périodiquement au gré des enquêtes et des découvertes. Les exemples retenus mettent en valeur des aspects variés de la culture : métiers traditionnels, musique, contes, art populaire, produits du terroir, marchés publics, médecine traditionnelle.

 Les ressources ethnologiques du patrimoine immatériel québécois sont réparties selon cinq catégories : des personnes, des entreprises, des organismes, des formes d‘expression et des espaces culturels. Dans la catégorie des personnes, on retrouve par exemple des sculpteurs Inuits, des artisanes de ceintures fléchées, des violoneux, des trappeurs et des conteurs. Dans la catégorie des entreprises, des fromageries, des épiceries, des fabricants de maisons en bois rond et des érablières se comptent parmi les exemples. Pour les organismes, on peut citer les cercles des fermières, des associations de pourvoyeurs et une coopérative d‘artisanat Mic Mac. Dans les formes d‘expressions, nous avons référencé entre autres le Carnaval de Québec, la mi-carême, des légendes, la course de canot à glace et des recettes traditionnelles. Et enfin pour les espaces culturels, nous nous sommes intéressés par exemple aux églises, aux grèves de la Gaspésie, aux rivières à saumon et au marché Jean Talon. Le site s‘enrichit périodiquement au gré des enquêtes et des découvertes. Les exemples retenus mettent ainsi en valeur des aspects variés de la culture qu‘il s‘agisse de savoirs techniques, de pratiques ethno-scientifiques, de croyances, de pratiques ludiques et esthétiques, de pratiques corporelles, vestimentaires, alimentaires, expressives ou bien encore coutumières. Toutes les ressources inventoriées se répartissent dans ces grandes catégories qui se retrouvent dans la classification que nous entreprenons actuellement et qui s‘inspirent de la Grille de classification des pratiques culturelles de Jean Du Berger.

L‘originalité de l‘Inventaire des ressources ethnologiques du patrimoine immatériel réside dans la nature même de l'inventaire, par les moyens techniques mis en œuvre et par les actions culturelles entreprises au sein des communautés locales. Tout d‘abord, cet inventaire représente une première au Québec et au Canada et sur de nombreux points sur le plan international. Le patrimoine immatériel est par définition difficile à saisir et encore plus difficile à montrer. Pour favoriser son accessibilité, il faut trouver les moyens de le rendre concret. C'est sans doute pour cette raison qu'il n'existait, en dépit de l‘appel lancé par l‘UNESCO dans sa Convention de 2003, encore aucune démarche systématique d‘inventaire national du patrimoine immatériel. Pourtant, on reconnaît de plus en plus qu'il y a une certaine urgence à inventorier et à transmettre au plus grand nombre de personnes la diversité de ce patrimoine qui est menacé par la mondialisation.

L'accessibilité sur le web de l‘Inventaire est sans aucun doute un point novateur pour sauvegarder et valoriser le patrimoine immatériel. Si, jusqu'à présent, les inventaires du patrimoine ne pouvaient être réalisés qu'à l'aide de bases de données comprenant des descriptions textuelles et d'images fixes, il est maintenant possible de rendre ces bases de données accessibles sur le Web et d'y inclure des extraits audio-visuels numériques qui permettent de communiquer efficacement des choses aussi abstraites et fugitives que la voix et le geste; d‘inventorier rapidement; de conserver indéfiniment; de transférer les données sans perte et de diffuser largement l‘information à des coûts réduits. Grâce à notre base numérique de données, il est possible de faire des recherches dans la base de diverses façons telles que par mot clé ou par région géographique. La présentation des pratiques culturelles sur plusieurs supports (textuels, iconographiques et audiovisuels) permet à chaque région administrative du Québec de mieux connaître et de mieux exploiter ses potentiels culturels. Cet inventaire offre aux ressources ethnologiques du patrimoine immatériel québécois une vitrine internationale et un espace de mise en valeur. Cet outil informatisé se présente comme un véritable outil de gestion et peut être utilisé par les internautes, chercheurs ou gestionnaires dans l‘élaboration de stratégie de développement culturel, social et économique d‘ici et d‘ailleurs.

Enfin, le troisième aspect novateur de notre Inventaire concerne la méthodologie utilisée pour rendre cet inventaire vivant et utile se fonde sur la recherche-action. Selon cette approche, les interventions effectuées sur le terrain en vue d‘exécuter la collecte de l‘information doivent permettre de mettre en valeur des ressources ethnologiques ainsi identifiées et d‘avoir des retombées positives presque immédiates pour les détenteurs de savoirs et de savoir-faire. D‘abord, la valorisation se fait directement sur le terrain, lors de la collecte des données, par la publication d'articles dans les journaux, la participation à des émissions de radio et de télévision et des conférences publiques. Ensuite, des actions culturelles telles que des expositions, des présentations, des veillées et des multimédias sont réalisées en collaboration avec les communautés locales. Ces actions culturelles permettent alors de développer des partenariats régionaux et locaux et de sensibiliser les instances locales et les populations à l‘importance du patrimoine immatériel comme élément contribuant au renforcement du sentiment d'appartenance en le transmettant de génération en génération et à la mise en valeur des richesses patrimoniales régionales. L‘inventaire devient un outil de développement durable : les ressources identifiées viennent contribuer au développement social et économique des régions.

Le projet d‘Inventaire est un projet en continuité avec l‘esprit des travaux et l‘expertise développée par l‘Université Laval en matière de patrimoine immatériel. Si les méthodes d‘enquête ont peu changé, les moyens de conserver et de diffuser l‘information ont évolué. La Chaire de recherche du Canada en patrimoine ethnologique de l‘Université Laval s‘est dotée d‘un laboratoire d‘enquête et d‘entrevue multimédia. Un tel laboratoire d‘ethnologie spécialisé en enquête et doté d'équipements multimédias représente une capacité de recherche nationale et internationale unique puisque, à notre connaissance, il n‘en existe pas ailleurs, ni au Canada, ni en Amérique du Nord, ni en Europe. Cette expertise en matière de traitement et conservation des archives est un point fort de l‘Université Laval puisque dès les années 1940, l‘historien Luc Lacourcière fondait les Archives de folklore et d‘ethnologie de l‘Université Laval afin de conserver les traditions orales de l‘Amérique française. Ces archives sont aujourd‘hui reconnues comme un fond unique sur la culture francophone en Amérique du Nord. C‘est justement cette compétence développée par l‘Université Laval qui permet de positionner notre laboratoire spécialisé sur le plan national et international.

Le projet IREPI nous a permis d‘acquérir une belle réputation sur la méthodologie d‘enquête permettant « d‘inventoriser » (inventorier et informatiser pour le web) les ressources du patrimoine immatériel. Grâce à cela, la Chaire de recherche du Canada en patrimoine ethnologique a développé de nombreuses collaborations à l‘international. Plusieurs pays signataires de la Convention de l‘UNESCO de 2003 sur le patrimoine immatériel ont souhaité s‘inspirer du modèle québécois pour l‘adapter à la réalité de leur pays. C‘est le cas de la Belgique, la France et d‘Haïti. D‘autres collaborations ont également été signées avec des pays comme le Congo-Brazzaville pour élaborer un projet d‘inventaire du patrimoine immatériel.

L‘IREPI, premier projet d‘inventaire numérique multimédia à avoir été créé, fait la cueillette, la conservation, l'analyse, la valorisation et la diffusion du patrimoine immatériel du Québec, à l'aide de technologies audiovisuelles numériques.

L‘IREPI est ainsi de faire un inventaire vivant d‘un patrimoine vivant.

Le 27/12/2024

Source Web par : Livre "De l’immatérialité du patrimoine culturel"

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