La réserve de biosphère de l’arganeraie: un nouvel Eco‑territoire touristique au sud du Maroc (Maroc-Géoparc Jbel Bani)
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Nota d’investigación

La réserve de biosphère de l’arganeraie: un nouvel Ecoterritoire touristique au sud du Maroc (Maroc-Géoparc Jbel Bani)

Par Hassan Aboutayeb

Université Ibn Zohr d’Agadir (Marruecos)

Résumé:

 La réserve de biosphère de l’arganeraie (RBA) est un territoire unique au sud du royaume du Maroc. Elle a décrochée ce statut en 1998 grâce à son écosystème, sa forêt d’arganier unique au monde et les multiples activités socioculturelles Amazighes (berbères) qui en découlent. La RBA regorge de potentialités touristiques naturelles, humaines et culturelles.

Aujourd’hui, il est primordial de mettre en place un Eco-territoire touristique dans cette région. Cela nées- site, tout d’abord, une parfaite connaissance de ce territoire et de ses enjeux ainsi qu’une approche intégrée et concertée avec l’ensemble des acteurs locaux. L’implémentation d’une stratégie globale et participative pourra intégrer la sauvegarde et la valorisation du patrimoine naturel et socioculturel, la mise à niveau   de la qualité de l’offre, une promotion globale du territoire et de ses produits touristiques et un système d’autoévaluation de l’ensemble des actions menées dans la RBA.

Mots Clés: tourisme rural, réserve de biosphère de l’arganeraie, développement durable, éco-territoire, gouvernance.

Abstract:

The Argan Biosphere Reserve (ABR) is a unique territory in the South of Morocco. It has obtained this status in 1998 thanks to its ecosystem, its unique forest in the world and its numerous cultural Amazigh (Berber) activities. The ABR has a strong natural, human and cultural potential as far as tourism is concerned.

Nowadays, it is essential to establish a tourism eco-territory in this region. This requires, first of all, a perfect knowledge of the territory and its issues and the implementation of an integrated and coordinated approach with all the local stakeholders. The implementation of a comprehensive and participatory strategy will integrate the protection and development of the natural and socio-cultural heritage, the improvement of the quality of tourism structures, the global promotion of the territory and its tourism products as well as a self-assessment of every action in the ABR.

Key Words: rural tourism, argan biosphere reserve, sustainable development, eco-territory, governance.

1. Introduction

Au Maroc, depuis plusieurs décennies, l’agriculture qui constituait un catalyseur de développement pour les zones rurales est devenue une activité socio-économique de plus en plus précaire. Sécheresses structurelles et accélération de la désertification, manque de main d’œuvre et paupérisation, et dégradation croissante de ressources vulnérables en sont les principales causes. Dans ce contexte, les pouvoirs publics ont lancé plusieurs programmes ambitieux pour tenter de répondre à cette situation. Parmi ceux-ci, le tourisme rural est devenu un des axes stratégiques de ces nouvelles orientations en direction des arrières pays et des zones rurales les plus pauvres, avec notamment: la stratégie nationale de développement du tourisme rural1 élaborée en 2002 en collaboration avec l’OMT et le PNUD.

Au-delà de la lutte contre la pauvreté en zone rurale, cette stratégie avait un autre avantage pour le secteur touristique. Il s’agissait également de mieux réorienter les flux touristiques concentrés le plus souvent sur quelques pôles urbains classiques et ainsi de diversifier l’offre avant que celle-ci ne soit qualifiée de vieillissante ou saturée (Berriane 2002, Hillali 2008).

Le nouvel ancrage territorial renforcé et redynamisé par le tourisme rural permettrait également de valoriser le particularisme socio-culturel et patrimoniaux régionaux. D’un point de vue politique, cela pourrait contribuer à mieux intégrer les expressions identitaires territoriales telle «l’Amazighité2 » en objet d’attractivité touristique plutôt qu’en revendication sociale. Ces identités pourraient dorénavant mieux s’affirmer et per- mettre de donner une image plus conforme à la réalité par raport à celle préconçue qu’ont parfois les visiteurs sur ces communautés ou qui sont véhiculées dans les brochures ou guides touristiques.

Un second objectif était associé au premier: celui de la préservation de l’environnement. En effet, le Maroc possède de nombreuses aires protégées avec des taux d’endémisme exceptionnels, tant au niveau de la faune que de la flore, qui attirent de nombreux touristes ce qui n’est pas sans poser de problèmes environnementaux. L’augmentation mal contrôlée du tourisme dans certaines zones sensibles, l’absence d’une législation touristique dédiée à ces espaces et le manque d’encadrement ont parfois eu des conséquences négatives sur les écosystèmes fragiles. C’est notamment le cas du parc national du Toubkal dont la situation est assez préoccupante tout particulièrement en termes de capacités de charge et de gestion de déchets. La mise en place d’un tourisme rural durable dans les aires protégées marocaines avait le potentiel de devenir un outil efficace de conservation du milieu.

Mais, le Maroc, face à ce défi complexe et nouveau, a sollicité l’appui d’instances internationales. Ainsi, en 1998, une candidature de classement pour l’arganeraie en tant que réserve de biosphère a été adressée avec succès à l’UNESCO. La première réserve de biosphère marocaine: la réserve de biosphère de l’arganeraie (RBA) était créée dans le sud-ouest marocain afin d’une part de protéger son écosystème, la forêt d’arganiers unique au monde et d’autre part les multiples activités socioculturelles Amazighs (berbères) liées et indissociables de ce milieu. Le tourisme rural, national et international, dans cette réserve allait prendre une nouvelle dimension et servir de modèle aux autres aires protégées.

Dès lors, en quoi le tourisme rural peut-il participer au développement d’une réserve de biosphère? Et à l’heure actuelle, cette volonté de protection et de valorisation à travers le tourisme rural de la RBA a-t-elle porté ses fruits? Après un diagnostic de l’activité touristique dans ce territoire, nous aborderons la question de la gouvernance choisie et des jeux d’acteurs qui influencent ce territoire.

1. Le tourisme rural dans les réserves de biosphère

1.1 Le concept de réserve de biosphère

Lancé en 1971 dans le cadre du programme MAB de l’UNESCO, le concept de réserve de biosphère (RB) regroupe actuellement 621 aires protégées dans 117 pays. Ces réserves sont «des aires portant sur des écosystèmes ou une combinaison d’écosystèmes terrestres et côtiers/marins, reconnues au niveau international dans le cadre du programme de l’Unesco sur l’Homme et la Biosphère (MAB) »3

En mettant l’être humain au centre de la problématique de préservation et de développement des aires protégées, l’objectif du concept de la RB consiste à «établir un équilibre durable entre ces buts souvent conflictuels que sont la conservation de la diversité biologique, la promotion de développement humain et la préservation des valeurs culturelles qui leurs sont associées » (UNESCO, Secrétariat du MAB, 2003).

Figure 1: Schéma des fonctions d’une réserve de biosphère4

biosphère

Figure 2: Zonage d’une réserve de biosphère, d’après l’UNESCO, 2000

Zonage

Les trois fonctions illustrées dans le schéma dessus sont déclinées dans le cadre d’un zonage en trois zones concentriques à trois niveaux:

- L’aire centrale: cette zone au cœur de la réserve doit être protégée avec une protection stricte  et intégrale car elle remplit la fonction de conservation;

La zone tampon: elle assure la transition entre la zone de protection intégrale et la zone propice aux activités de développement et doit donc être clairement identifiée et identifiable. Elle peut servir de support d’activités coopératives non destructrices comme la recherche scientifique, l’éducation et la formation, l’écotourisme;

La zone de transition souple: située à mi-chemin entre la réserve et l’extérieur, cette zone sert au développement afin que les populations locales puissent s’installer et utiliser durablement les ressources disponibles.

1.2 Le tourisme rural vecteur de développement et de conservation des réserves de biosphère

Le tourisme rural peut permettre la valorisation de la réserve de biosphère à condition de savoir concilier et apporter une cohérence entre les intérêts du tourisme et les impératifs de con- servation de la biodiversité. Pour cela, le tourisme est nécessairement pensé en termes de durabilité.

1.2.1 Impacts positifs du tourisme

Le tourisme dans les réserves de biosphère peut offrir certains avantages d’ordre financier, sociaux et économiques notamment:

- la création de revenus pour la conservation et la valorisation des ressources: droits d’entrée, concessions, dons, adhésion à une association des «amis » du site en vue d’une image et d’un soutien international, vente, logement, restauration, guidage, appui financier des tour-opérateurs qu’il soit direct ou indirect, droits d’image, parking.

- l’autonomie financière;                      

- la contribution au développement économique et social des populations:  création  d’emplois et valorisation des savoir-faire locaux et des activités traditionnelles, création de revenus complémentaires dans un cadre équitable, effet d’entraînement sur les autres activités socioéconomiques, construction d’infrastructures de bases et de services: amélioration du cadre de vie, sauvegarde et promotion de la culture, prise de conscience identitaire de la population par son territoire (patrimonialisation), éducation et sensibilisation à l’environnement et formation en tourisme, lutte contre l’exode rural.

Pour les touristes, il s’agit d’un site idéal pour l’observation et l’interprétation de la nature:

«Les aires protégées constituent des territoires à fort potentiel écotouristique, ils représentent des sites prioritaires pour attirer des clientèles en quête de nature «sauvage» et d’un certain exotisme » (Carrière & Lequin 2004) A ceci s’ajoute la sensibilisation à l’environnement et les interactions avec la population locale dans Figure 3: Obstacles à la mise en tourisme d’une réserve de biosphère5.

biosphère5

Le but d’atteindre une satisfaction touristique particulière associée à ce type de tourisme.

1.2.2 Les impacts négatifs du tourisme

Malgré ces avantages, il est largement admis que le tourisme est ambivalent de nature et qu’il peut induire ou générer des impacts négatifs. Parmi les obstacles qui peuvent s’opposer à une mise en tourisme adéquate, on trouve les suivants sans que cette liste soit exhaustive:

La croissance touristique est difficile à contrôler du fait de l’implication de nombreux acteurs dans la filière avec pour chacun des objectifs différents et parfois antagoniste. Il faut aussi ajouter un flou et un chevauchement des rôles et des responsabilités parmi les acteurs institutionnels. Seule une gestion rigoureuse peut réduire ces impacts tout en favorisant une protection de la biodiversité.

2. La RBA: un éco territoire pour la promotion du tourisme rural durable

La RBA s’étend du littoral au Nord d’Essaouira jusqu’au Sud d’Agadir et elle est limitée à l’Est par la province de Taroudant. Elle occupe une superficie de près de 828 000 hectares, soit 7% de la superficie forestière au Maroc (M’hirit 1998) ce qui représente 6 provinces (Agadir Ida Outanane, Taroudant, Tiznit, Chtouka Aït Baha, Sidi Ifni et Essaouira).

La population est de l’ordre de 3 millions d’habitants majoritairement des amazighs (berbères). Dont près de la moitié, 1,3 million de personnes sont directement tributaires de l’exploitation de l’arganier (Romagny et Boujrouf 2010). Pour les Amazighs, l’arganier est perçu comme un arbre providentiel, on lui associe une forte connotation symbolique et il constitue un marqueur de l’identité socioculturelle de la région. Cependant, d’un point De vue strictement économique, l’arganier est la véritable «ressource économique de la RBA (extraction de l’huile d’argan, importance dans le système agro-sylvo-pastoral) (Simenel et als 2009).

RBA

Source: Haut Commissariat des Eaux et Forêts, Maroc 2008

D’un point de vue écologique, la forêt de l’arganier constitue une barrière naturelle contre l’avancé du désert et protège le sol de l’érosion éolienne et hydrique. Si elle disparaissait la région pourrait devenir une steppe désertique. De plus, la faune et la flore qu’elle protège sont aussi menacées et avec elles, l’ensemble de l’équilibre écologique régional.

D’ores et déjà, la forêt de l’arganier a disparu de moitié pendant le 20ème siècle (Lybbert et al 2003). Les infrastructures de base sont bien développées par rapport à d’autres régions du Sud du Royaume. Le réseau routier goudronné permet un accès à la plupart des communes rurales. Une autoroute reliant Agadir à Marrakech (250 kilomètres) a été récemment construite. La zone dispose aussi de deux aéroports internationaux, le premier à Agadir (3ème à l’échelle nationale) et l’autre à Essaouira. En outre, cette zone possède un port de commerce, quatre ports de pêche et deux ports de plaisance. Elle est bien équipée en termes de technologies d’information et de communication qui répondent aux normes internationales (ADSL, 3G, téléphonie fixe et mobile).

Parmi les secteurs économiques de la RBA, le tourisme constitue une activité à forte croissance. En effet, elle jouit d’une richesse patrimoniale de renom et représente un territoire propice à une mise en tourisme raisonnée dans un cadre durable.

2.1 L’offre touristique

2.1.1 L’hébergement touristique

L’espace rural de la RBA dispose d’une infrastructure d’hébergement relativement faible par rapport aux potentialités touristiques de la région. L’essentiel de l’hébergement est concentré sur la partie littorale qui bénéficie d’un pic de fréquentation pendant la période estivale.

Les unités d’hébergement sont essentiellement constituées de maisons d’hôtes et assimilées. Certaines sont répertoriées et classées mais de nombreuses appartiennent au secteur informel et échappent au contrôle de l’autorité chargée de recenser et quantifier les activités liées au tourisme. Il est donc difficile de les identifier toutes et de connaître leur capacité. Elle peut cependant être estimée à plus de 2500 lits, grâce à des recoupements d’information et aux réseaux sociaux et informels (Berriane et Nakhil 2012). En termes de qualité, il est crucial que l’offre soit mise à niveau afin de répondre aux attentes de la clientèle à la fois en quête d’authenticité mais aussi en attente d’un confort et d’une hygiène qui lui conviennent. La RBA a déjà attiré de nombreux investisseurs et promoteurs touristiques ce qui contribue à augmenter la capacité d’hébergement avec l’implantation de structures spécifiques dédiées au tourisme rural et au tourisme de niche. Ces investisseurs sont tout d’abord des marocains puis suivis des français. Force est de constater aussi une sensibilisation de plus en plus vers le Tourisme durable qu’est impulsé par le ministre de tourisme et plusieurs acteurs locaux.

2.1.2 Les circuits touristiques

Il existe plusieurs excursions et circuits touristiques organisés entièrement ou partiellement dans le territoire de la RBA. Les plus importants en terme de fréquentation sont ceux organisés par les tours opérateurs et agences de voyages d’Agadir. Les principaux circuits touristiques sont:

L’Anti-Atlas occidental (Tafraout et Ait Baha);

• Ida Outanane ou le pays du miel;

• Massa et son parc national Souss Massa;

• Littoral Atlantique (nord et sud d’Agadir);

L’oasis de montagne de Tiout avec la ville fortifiée de Taroudant.

Par ailleurs, des circuits spécifiques sont organisés dans la région de la RBA par certaines agences spécialisées en tourisme de montagne notamment dans la région d’Aït Baha, de Tafraout, des Ida Outanane et d’Essaouira.

Ces agences proposent aussi des randonnées pédestres, équestres, muletières, chamelières, VTT et plusieurs séjours sportifs de pêche, chasse et liés à des activités nautiques (à Imssouane, Mirleft, Taghazout…). Malheureusement, ce type de produits n’est pas encore très répandu par rapport à d’autres régions du Maroc notamment dans le Haut Atlas