LE TOURISME ET LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT ET DU PATRIMOINE DANS LES REGIONS DESERTIQUES MAROCAINES
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LE TOURISME ET LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT ET DU PATRIMOINE DANS LES REGIONS DESERTIQUES MAROCAINES

Par ABERKAN M’hamed

Université Mohammed V-Agdal, Faculté des Sciences,

Département des Sciences de la terre, BP. 1014 Rabat

E-mail : ma_aberkan@yahoo.fr

 

RESUME. Les régions du Sud marocain sont essentiellement désertiques. Les vagues de sécheresses qui se sont succédées depuis des décennies, ont poussé les habitants à abandonner leurs activités paysannes, comme l’agriculture oasienne et l’élevage nomade, pour intégrer des domaines en relation directe ou indirecte avec le tourisme. Ce dernier se porte encore bien dans ces régions qui fascinent par leur géodiversité à la fois riche et singulière et leur patrimoine naturel et socio-culturel exceptionnel et de renommée internationale. Cependant, la culture abusivement hospitalière des citoyens ou la politique de "tout pour le touriste" peut avoir des retombées négatives sur la dimension socio-économique locale sur le cadre naturel, voire même sur le développement humain. Dans ces régions, un tourisme trop libre, où la concurrence est sans limite, peut à court terme, prétendre à une croissance, mais il ne peut pas conduire automatiquement à un développement durable. Il faudrait donc penser à une stratégie de gestion intégrée des activités touristiques dans ces sites fascinants mais fragiles, par une intense formation-sensibilisation de tous les acteurs et opérateurs, dans le cadre d'un programme de tourisme responsable, limité mais de qualité. Un tourisme qui doit générer des revenus pour toute la population locale en créant des emplois durables, respecter l'environnement naturel et culturel, préserver le patrimoine et qui fait profiter du paysage fantastique du désert sans contribuer à la désertification. Un tourisme responsable pour un développement socio-économique durable. Une bonne gestion de ce secteur doit garantir le caractère durable des ressources dont dépend fortement cette activité mais qui ne sont souvent ni pérennes ni renouvelables.

I. INTRODUCTION

La bibliographie sur les aspects positifs de l’activité touristique est abondante, mais les impacts négatifs du tourisme sont souvent négligés. Des qualificatifs pour un tourisme respectant l’environnement ne manquent pas. Citons par exemple le tourisme soutenable, le tourisme responsablel’’écotourisme et le tourisme durable. Disons que le tourisme en général, reste un investissement possible et rentable tant que ce dernier se maintient en équilibre avec ses cadres naturel, socio-économique et culturel. Ces piliers du développement durable sont interdépendants et interactifs. Les problèmes du milieu ambiant affectent la société et les difficultés auxquelles s’affronte cette dernière ont, à leur tour, des impacts nocifs et directs sur le cadre et la qualité de la vie.

II. LE TOURISME DANS LES REGIONS DESERTIQUES DU SUD MAROCAIN

Le mot désert désigne une zone stérile ou peu propice à la vie. Les régions désertiques représentent environ le tiers des terres émergées. Les déserts froids caractérisent les hautes latitudes et intéressent les zones polaires, alors que les déserts chauds se situent surtout à la périphérie de l’équateur et on les trouve sur tous les continents (Fig.1).

Le Sahara correspond au plus grand désert chaud du monde avec une superficie d’environ 9 millions de Km2 (Rognon, 1989). Des témoins Figure 1. Répartition des régions désertiques géologiques attestent que cet immense désert était entre 9000 et 8000 ans BP .et probablement autour de 6000 et 4000 ans BP. à la fois vert et bleu, avec une végétation luxuriante, des cours d’eau et de très grandes extensions lacustres. Les précipitations annuelles de ces époques sont estimées à 500 mm. Là où elles ne sont actuellement que de 100mm par an (El Hamouti, 1989).

Environ 60% des terres marocaines sont désertiques. Le Maroc dispose d’un désert riche et varié avec des plateaux arides et caillouteux, des paysages de dunes de sables magiques et des oasis et palmerais verdoyantes (Fig.2).

Figure 2. Vue de paysage désertique et d'oasis à Hassilabied

Avec des précipitations annuelles ne dépassant guère 100 mm. et qui peuvent être concentrées seulement sur quelques jour et engendrer même des inondations désastreuses, les provinces désertiques du Maroc ne peuvent pas aspirer à une activité agricole prospère et rentable. Par contre les atouts de leurs paysages exceptionnels font de ces régions une destination touristique préférée et de renommée internationale.

Dans les provinces désertiques du Sud marocain, le tourisme constitue donc une importante et principale source de revenu, surtout avec le déclin des autres activités comme l’agriculture et l’élevage nomade, suite aux vagues de sécheresse qui se sont succédées depuis plusieurs décennies, ce qui a poussé les citoyens à abandonner les cultures oasiennes et les activités pastorales, pour émigrer ou s’intégrer directement ou indirectement dans le domaine touristique, notamment le secteur de la construction, celui de transport, de l’artisanat, de commerce et de la restauration.

Les promoteurs font une concurrence accrue pour l’investissement dans le domaine hôtelier, et des auberges ne cessent d’envahir les pieds des dunes, les rives des cours d’eau et mêmes certaines zones vertes comme les vallées et les oasis.

Les constructions dans les zones inondables résultant notamment d’un investissement concurrentiel dans le domaine d’hébergement touristique constituent une vulnérabilité redoutable, capable de transformer des phénomènes naturels périodiques et complexes en catastrophes naturelles.

Ainsi, les inondations qu’a connues en 2006 le secteur de Hasslabied–Merzouga avaient des conséquences fatales sur le plan humain et matériel (Fig.3).

Figure 3. Exemple de dégâts causés par les inondations de Merzouga en 2006.

III. LES LIMITES DE L’ACTIVITE TOURISTIQUES DANS LES ZONES DESERTIQUES DU MAROC : CAS DE HASSILABIED-MERZOUGA

Le développement des activités touristiques, actuellement en plein essor et en forte concurrence atteindra probablement ses limites à moyen terme voire à court terme, si aucun plan d’action de mise à niveau, d’évaluation et de bonne gestion ne vient pas accompagner les acteurs dans ce secteur. C’est ainsi que dans plusieurs localités du Sud du Royaume comme à Hassilabied-Merzougua, au voisinage de l’erg chebbi, où on constate déjà une urbanisation incontrôlée, avec des constructions en zones inondables, des pollutions de tout genre et une mauvaise gestion de l’eau et des déchets.

L’erg chebbi, est un champ de dunes d’environ 156km2 à dominance de dunes pyramidales, pouvant atteindre jusqu’à 160 m d’altitude. Les vents dominants proviennent essentiellement de Sud-est. Le déplacement annuel des dunes peut dépasser les 10m.par endroits (Benalla, 2003). Selon cet auteur, les assemblages minéralogiques plaident en faveur d’une source d’apport lointaine notamment Hammada du Guir et Grand erg occidental. L’erg Chebbi n’est pas seulement un patrimoine naturel qui attire les touristes .il abrite également un aquifère libre alimenté par des eaux de pluie. L’eau est de bonne qualité (Vicente et al., 2008, Garcia et al., 2008). Mais le pompage de cette eau pour servir les piscines et les sanitaires des auberges et hôtels fait baisser de plus en plus le niveau de la nappe (Moya et al., 2009). Le rejet des eaux usées dans les fosses septiques au pied des dunes constitue un danger réel sur les ressources hydriques nécessaires aux citoyens de cette localité et qui aura tôt ou tard un impact néfaste sur le tourisme lui-même (Aberkan, 2012).

Par ailleurs, il a été constaté qu’à Merzouga, la durée du séjour des touristes est de l’ordre d’un jour. Des idées d’aménager des centres de loisirs pour retenir un peu plus les visiteurs ont été suggérées. Mais des projets comme celui visant à prolonger Ces séjours, en aménageant des terrains de golfe, sont à prendre avec grande prudence, quand on connaît le besoin en eau de ce genre de projets.et surtout dans ces régions où les précipitations sont rares et l’évapotranspiration est très forte. L’hypothèse séduisante d’utiliser, pour l’arrosage des éventuels terrains de golfe, des eaux usées des auberges après traitement nécessaire, ne doit pas être prise pour un acquis réussi et évident, quand on sait que les intérêts économiques de la plupart des acteurs priment souvent sur la préservation environnementale. Un diagnostic est donc nécessaire pour bien estimer les demandes des touristes, les types et les capacités des offres de ces régions singulières, riches mais fragiles, afin d’éviter le déséquilibre et la rupture des piliers d’un développement touristique durable. Il faudrait noter que les touristes n’ont pas le même comportement selon leur âge, leur éducation, leur niveau intellectuel et aussi suivant le mode de leur voyage: individuel ou par groupes. Un touriste peut être fasciné par le paysage et le silence de désert peut même être dérangé et chassé par un autre qui cherche l’aventure, en pratiquant des sports mécaniques sur les dunes. Si les quads bruyants et stressants prennent la place des admirables dromadaires, de quel tourisme responsable et durable peut on parler? (Fig.4) Les impacts d’un tourisme ouvert et trop libre peuvent être négatifs sur l’environnement et le patrimoine naturel et culturel et donc sur certaines ressources dont dépend cette activité elle-même (Fig.4).

Figure 4. Quads sur les dunes

Si les aspects positifs du tourisme se notent encore bien, en constituant une alternative génératrice de revenu dans ces régions arides et souvent éloignées des pôles d’activité économiques classiques, telles que les zones industrielles, les grandes entreprises de services et les exploitations minières ou agricoles.

Cependant, tout tourisme ne mérite pas toujours les qualificatifs soutenable ou équitable, responsable voire durable. Ces derniers ne suffisent pas et restent souvent des slogans séduisants mais qui n’engagent que ceux qui les croient. La pression des visiteurs sur les ressources du désert, sur son environnement et sur son patrimoine naturel et culturel peut conduire, à moyen terme ou à long terme, à d’énormes dégâts, dont les retombées sont souvent coûteuses et à des dégradations de cadre de la vie qui peuvent être irréversibles dans ces zones très fragiles.

IV. LE TOURISME DANS LE SUD MAROCAIN ET LA PROTECTION DU PATRIMOINE

Dans les régions désertiques du Sud marocain, partant du principe qui dit que là où il ya concurrence il ya profit, la majorité des acteurs actifs dans le domaine touristique notamment les propriétaires de auberges et des hôtels semblent se faire, jusqu’à présent, de bonnes recettes, Mais ceci ne constitue que le côté économique d’un développement durable. Les piliers sociaux, culturel et environnemental ne sont pas vraiment pris en considération. Même le profit économique ne semble pas assurer à toute la population un Niveau de vie acceptable.

Figure 5. Vente de minéraux et fossiles par des enfants à Hassilabied

Si les ventes de minéraux et fossiles se portent encore bien, ce commerce peut satisfaire les besoins de première nécessité de certaines familles mais en dépit d’un tragique trafic du patrimoine naturel très riche mais non renouvelable .Des familles démunies trouvent ainsi un semblant de revenu très précaire, mais leurs enfants, attirés par de petits cadeaux distribués par des touristes ou ramenés par des ONG, abandonnent progressivement l’école, préférant courir derrière des touristes, leurs proposant, en échange de quelques pièces, des articles de fortune ou des services de jeunes faux guides (fig.5). Quand le tourisme constitue un facteur d’abandon scolaire et entrave la formation des jeunes comment contribuera –t-il au développement local durable dans ces régions?

Dans les provinces désertiques notamment celle du Sud du Maroc, souvent précaires économiquement, l’activité touristique peut constituer une base considérable pour une promotion régionale continue. Mais dans ces régions à équilibre environnemental fragile, le tourisme peut-être comparé à un médicament, nécessaire pour soigner mais il est indispensable que le diagnostic soit bien précis, le traitement bien ciblé et parfaitement dosé. Comment donc satisfaire le touriste et respecter l’environnement et le patrimoine au sens large dans ces régions hôtes à la fois très généreuses mais toujours très précaires? C’est cela l’équation difficile d’une gouvernance de l’activité touristique dans nos régions désertiques fascinantes, de plus en plus convoitées mais restant toujours fragiles et vulnérables. Une enquête sur les dimensions économique, socioculturelle et environnementale de ces régions est tout à fait nécessaire pour tenter de leur adapter un tourisme durable qui conviendrait aux spécificités singulières de ces régions très généreuses mais avec des capacités limitées. Si une grande demande géo-éco-touristique se réalisait, il faudrait penser à ce qu’une partie des recettes soit réservée à financer les projets visant à sauvegarder et à développer les ressources nécessaires à sa pérennité.

V. CONCLUSION

Dans Le Sud marocain, le caractère désertique et la succession des vagues de sécheresse depuis quelques décennies, déçoivent de plus en plus les activités dans les domaines de l'agriculture oasienne et de l'élevage nomade, Pourtant ces activités sont en même temps des sources de revenu, des cultures ancestrales qu’il faudrait protéger et qui attirent souvent un tourisme de qualité. Les habitants ayant échappés à la migration, sont de plus en plus tentés de s'activer dans le domaine du tourisme. Ce dernier se porte encore bien dans ces régions, qui regorgent de sites au patrimoine naturel d'une renommée internationale. Mais la culture abusivement hospitalière ou la politique de "tout pour le touriste" peut conduire à des conséquences négatives sur le développement local. Dans ces régions, un tourisme trop libre ne peut pas engendrer automatiquement un développement durable. Il faudrait donc penser à une gestion intégrée des activités touristiques dans ces sites, par une intense formation-sensibilisation de tous les acteurs et opérateurs, dans le cadre d'un programme stratégique de tourisme responsable limité mais de qualité. Un tourisme qui doit respecter l'environnement et qui fait profiter du paysage fantastique du désert sans contribuer à la désertification, un tourisme responsable pour un développement socio-économique durable. La gestion du secteur touristique doit garantir le caractère durable des ressources dont cette activité dépend.

REFERENCES

Aberkan, M. (2012). Patrimoine naturel et tourisme responsable: une contribution au développement durable dans le Sud-Est marocain (cas de Hassilabied-Merzouga). Wiget-3 Fes, 17-20 Mai 2012.

Benalla, M.(2003). Etude morphodynamique de l’évolution des dunes de Tafilalet (Maroc): apport de la sédimentologie et de l’image aérienne et spaciale. Thèse de doctorat, université Mohammed V-Agdal Fac. Sc. Rabat 200p.

El Hamouti,N.(1989). Contribution à la reconstitution de la paléohydrologie et de la paléoclimatologie du Maghreb et du Sahara au Quaternaire supérieur à partir des diatomées. Thèse de Doctorat, univ.de Paris-Sud XI, 280 p., 18pls.

Garcia,M., MoyaPalomares, E., DePablo, MA.Vicente,R .y Acaso, E.(2008). Fonciamento hidrogiologico del borde occidental del complejo dunar Erg Chebbi entre Hassilabied et Merzouga. Revista tecnologiay desarrollo, vol.VI, p.17.

Moya Palomares, ME., De Pablo, M.A, Vicente, R., Garcia, M., Acaso, E. Aberkan, M y

Zanniby, F.(2008). La necesidad de gestion sSosteniblede los recuursos naturalesante el desarrollo del turismo como factor de lucha contra la pobreza.El casode erg Chebbi (Marrueo Actas del congreso sobre universidad y cooperacion y desarrollo, Barcelona, 12, 13 y 14 de noviembre 2008, Espagne.

Rognon, P. (1989). Variation de l’aridité au sahara depuis 12000 ans BP.en relation avec les «contraintes» orbitales et glaciaires. Bull. Soc. Géol. Fr (8),t. V, n°1,pp.13-20.

Vicente, R .Moya Palomares, M.E, De Pablo, M.A, Acaso, E., Garcia, M., Aberkan, M.,

Zanniby, F. (2008) Study of de groundwater quality in the erg Chebbi area, Central South Morocco.). Women and year of the planet earth 2008, AAWGA.4th Conference of the association of African Women Geoscientists.( Cairo, Egypt) pag.62-65.

Source web par : ABERKAN M’hamed

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