Un textile vieux de 3 800 ans révèle l'usage millénaire d'un insecte pour produire une prestigieuse teinture rouge
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La découverte de fragments de tissus dans une grotte israélienne montre que l'insecte appelé Kermes vermilio, utilisé pour teindre les vêtements en un rouge vif, symbole de richesse et de prestige dans l'Antiquité, était déjà employé pour colorer les textiles durant l'âge du bronze.

Les premières traces de teinture de textiles remontent à la période néolithique, obtenues à partir de colorants d'origine végétale, tels que des feuilles, racines, fruits. À Çatal Höyük (sud de l'Anatolie, Turquie), l'un des plus anciens et vastes sites archéologiques occupé dès 7000 av. J.-C. environ, des fragments de tissus teints en rouge ont ainsi été décelés. Ils furent sûrement colorés grâce à l'ocre, pigment naturel composé d'argile et d'oxydes de fer, qui lui confèrent sa couleur distinctive.

Mais très vite par le passé, sont découverts d'autres moyens de pigmenter les vêtements en rouge. En témoignent des morceaux de textile composés de lin et de laine, datés entre 1954 et 1767 av. J.-C. (âge du bronze moyen) et trouvés dans la dite Cave of Skulls ("Cave des Crânes", désert de Judée, Israël).

Une étude, publiée dans les Journal of Archaeological Science: Reports de septembre 2024 et repérée par La Brújula Verde, révèle que les fragments ont autrefois été teints avec du kermès, un insecte (Kermes vermilio) qui permettait d'obtenir une couleur rare et luxueuse dès l'Antiquité.

Des traces d'insectes dans les textiles anciens

La couleur rouge, à la forte signification symbolique à travers l'histoire, peut être obtenue à partir de diverses sources, est-il introduit dans la publication. Mais certains des colorants rouges les plus luxueux proviennent d'espèces de cochenilles (Coccoidea).

"Aujourd'hui, des méthodes analytiques avancées permettent de retracer l'origine des teintures même après des milliers d'années, ce qui donne un aperçu des capacités technologiques du monde antique ainsi que des conditions économiques et sociales du passé", écrivent les chercheurs. Et en effet, ils ont fait appel à des techniques de pointe.

Notamment, la Chromatographie Liquide Haute Performance (CLHP), qui permet la séparation, la détection et la quantification de composés organiques dans un échantillon – par exemple, l'acide carminique extrait des cochenilles. Cette technique, bien que destructrice, ne nécessite qu'une toute petite partie de l'artefact ancien, permettant ainsi de préserver son intégrité, précisent les experts.

Cette méthodologie les a non seulement aidés à déterminer la présence de la teinture rouge dans le textile. Mais elle leur a également confirmé "avec un haut degré de certitude" qu'elle provenait spécifiquement du Kermes vermilio, un petit insecte arrondi et rougeâtre appartenant aux Kermesidae, une famille de cochenilles.

Il habite principalement les régions méditerranéennes (Europe du Sud, Moyen-Orient, Afrique du Nord) où il parasite les chênes, en particulier le chêne des garrigues ou "chêne kermès" (Quercus coccifera), dont il tient son nom. Il est parfois surnommé "graine d'écarlate".

Le Kermes vermilio est surtout célèbre pour la production de la teinture rouge, elle aussi connue sous le nom de "kermès". Le pigment est obtenu en récoltant les femelles pleines d'œufs, qui sont ensuite séchées et broyées. Le principal composant colorant est le fameux carminique, destiné à le protéger des insectes prédateurs. D'autres cochenilles, telles que Dactylopius coccus, étaient employées pour fabriquer le "rouge cochenille" – plutôt dénommé "cramoisi" dans le textile, "carmin" dans la peinture.

Les teintures, symboles de statut social et économique

L'utilisation de teintures dérivées d'insectes cochenilles, comme le "kermès" donc, était autrefois un processus laborieux et coûteux. Pourtant, sa qualité et sa profondeur de couleur ont été très prisées dans l'Antiquité et au Moyen Âge, où il était très souvent associé aux vêtements de prestige. Car, comme le rappellent les auteurs de l'étude, les couleurs des textiles étaient – outre le reflet de goûts personnels – des symboles de statut et de pouvoir dans les sociétés anciennes. Les teintures employées étaient directement liées aux capacités économiques et sociales de leurs acquéreurs.

Les différents pigments constituent ainsi un indicateur crucial pour étudier les liens entre teinture, réalisations technologiques, mode, statut social et économique, commerce… Mais les textiles sont rares dans les archives archéologiques en raison de leur nature périssable et de leur décomposition rapide. Leur rare préservation dans des conditions particulières, comme celles des grottes du désert de Judée pour ce cas précis, est ainsi "exceptionnellement précieuse", notent les spécialistes.

D'autant que la datation au radiocarbone du tissu récemment analysé met en lumière l'utilisation précoce de teintures à base d'insectes. "Bien que ces fragments de textile ne mesurent pas plus de 1,5 cm, leur importance est immense, car ils témoignent de l'utilisation de cochenilles pour teindre les textiles au cours de l'âge du bronze moyen, la plus ancienne de ce type connue à ce jour", concluent-ils.

En 2021, la même équipe avait également découvert près de la pointe sud d'Israël trois fragments de tissus datant de 1000 av. J.-C., les plus anciens jamais identifiés dans cette région, colorés avec la prestigieuse pourpre de Tyr. Une teinture, elle aussi, célèbre pour son exceptionnelle solidité… et son faramineux coût de production, qui en faisait un produit de luxe du monde méditerranéen antique.

Source : GEO

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