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APPARITION ET DIVERSIFICATION DE LA VIE DANS LES MERS ANCIENNES DU SUD MAROCAIN

Par FADLI Driss 1, Charrière André2 & El Wartiti Mohamed 1

1 Faculté des Sciences de l’Université Mohammed V Agdal, Rabat.

226 rue J.-P. Chabrol, 34740 Vendargues, France.

E-mail 1: dfadli@yahoo.fr;

E-mail 2: andre.charriere73@orange.fr;

E-mail1: wartiti@hotmail.fr

 

Mots clés : Précambrien supérieur, Paléozoïque, environnement marin, paléogéographie mobile, biodiversité, géodiversité, mers chaudes.

RESUME. L’épaisse série sédimentaire paléozoïque de l’Anti Atlas, essentiellement constituée de dépôts de plate-forme marine recouvre en discordance un socle précambrien très hétérogène qui apparait à la faveur de différentes boutonnières L’Anti-Atlas occidental est l’un des (rares) endroits du monde où se rencontre une importante série sédimentaire de transition (appelée Adoudounien) entre le Précambrien et le Primaire (Fig.1). Dans celle-cisont conservésdes fossiles témoignant d’une vie dans ces mers anciennes. Quelques jalons remarquables de l’histoire des premiers organismes vivants et de l’expansion de la vie au cours de l’Ere Primaire dans le Sud Marocain seront ici évoqués.

I - LES PREMIERES TRACES D’ORGANISMES VIVANTS

1. Les stromatolithes (ou stromatolites) laguno-lacustres du Précambrien III.

Les stromatolites (ou stromatolithes) constituent des constructions rocheuses carbonatées formant des massifs décimétriques et métriques en forme de chou-fleur, formés de concrétions de calcaires montrant des alternances régulières de lamines millimétriques alternativement claires et sombres. Ces structures carbonatées résultent de l’action combinée de processus sédimentaires (intégration de sédiments fins) et de l’activité photosynthétique de microorganismes (Cyanobactéries = Algues bleues filamenteuses). Ces premières traces de vie connues au Maroc (environ 555Ma) se rencontrent dans un niveau carbonaté interstratifié dans la partie médiane des dépôts volcano-sédimentaires (tufs) du Précambrien III du groupe d’Ouarzazate. On peut observer, au Nord de la ville d’Agdz sur le bas-côté de la route nationale N9, à la borne kilomètrique Ouarzazate 25km, des édifices métriques de stromatolites décrites sous le nom de Collenia (s. l.) ou Conophyton. Les études récentes (Alvaro et al, 2010) d’un autre gisement à stromatolites, situé dans un niveau un peu plus récent dans la série, ont montré qu’il s’agit d’un environnement sédimentaire continental de type lacustre ou lagunaire, peu profond, avec un fort apport d'eau météorique (fig.1)

geomorfo

2. Les organismes conservés dans la série marine littorale de l’Adoudounien.

La première transgression sur le socle (ou craton) nord-ouest sahariennes originaire d’un espace océanique situé à l’emplacement de l’actuel atlantique (Fig. 1A). Elle a laissé 4 types de dépôts superposés représentés en Fig. 1B et Fig. 2, (1) à (4):

(1) La « Série de base »a livré (Houzay, 1979) des traces centimétriques circulaires, interprétées comme des emppreintes d’organismes à corps mou apparentés aux méduses. A sa partie supérieure (dolomiee de Tamjout) des lames minces ont révélé (Buggich et Flugel, 1988) la présence d’Algues Roouges.

(2) Les « Dolomies et Calcairess inférieurs » sont souvent constituées de bancs à stromatolites centimétriques à décimétriques, en dôme ou planaires, souvent silicifié.

(3) La « Série lie de vin » comporte fréquemment des « thrombolites » (Bensaoud & Hammoumi, 20044) structures organo-sédimentaires, égalemeent édifiées par des cyanobactéries, mais dépourvues de laminations internes. Au sein de cette série, ontété signalé (Latham &Riding, 1990) plusieurs types d’ichno fossiles représentants des traces d’activités d’organismes fouisseurs.

(4) Les « Calcaires supérieurs » sont également très riches en constructions stromatolitiques et en thrombolites.

II - LES PREMIERS METAZOAIRRES A PIECES SQUELETTIQUES DU CAMBRIEN

Les premiers Trilobites (Eoofallopaspis) apparaissent dans le 1/3 supérieur des calcaires supérieurs de l’Anti Atlas. Dans les terrains sus-jacents se succèdent 8 zones de Trilobites (Boudda et al., 1979) étagées du Cambrien inférieur à la base du Cambrien moyen [niveaux(4) à (7), Fig.2].Au-dessus, apparaît Paradoxide ssp.,qui devient une espèce fréquente dans les schistes verdâtres du Cambrien moyen (8).

Les premiers Archéocyathidéss sont connus une quinzaine de mètres au-dessus des premiers Trilobites. Ces premiers organismes coloniaux (Debrenne, 2007) ont érigé des petites constructions récifales calcairres de forme lenticulaire bien repérables dans les terrains du Cambrien inférieur. Plusieurss carrières d’exploitation de marbre conceernent ces roches, localement dolomitiques et souvent teintées en rose, qui recèlennt de nombreuses empreintes de ces organismess.

Quelques autres types d’Inveertébrés sont représentés : petits Brachiopodes, Echinodermes primitifs.

III - LA BIODIVERSIFICATIONDDANS LES MERS ORDOVICIENNES

La vie prospère et se diversifie à l’échelle du globe dans des environnements marins essentiellement détritiques. Cette diversification se retrouve dans les terrains schisteux ou gréseux de l’Anti Atlas (Fig. 2) avec des caractères spécifiques possibles (fig.2)

geo-mo

1. Richesse et diversité des Trilobites.

L’abondance et le renouvellement des espèces de Trilobites constituent la référence de base de l’échelle stratigraphique de l’Ordovicien (Destombes et al., 1985). De nouvelles espèces typiques de l’Anti-Atlas ont été mises à jour plus récemment (Corbaacho& Vela, 2010; Corbacho, 2011; Corbaacho et Kier, 2011) avec Asaphelluscuervoae, Placopariasp.,Eoharpessp.,Uraalichashispanicustardus,Selennopeltislongispinus, Degamellasendinoae, Basilicuscalzadai et Zeliszkella.

2. Diversité des Echinodermes et de la faune associée.

Dans l’Anti-Atlas oriental les terrains de l'Ordovicien inférieur à moyen ont livré une abondante faune en bon état de conservation constituée d’organismes énigmatiques « médusoïdes » eldonioïdes, d’Arthropodes, de vers (s. l.) et d’Echinodermes. Ces derniers présentent des assemblages très denses et diversifiés (Lefebvre et al., 2010), caractéristiques des faunes froides (subpolaires) ; elle est dominée par des éocrinoïdes et des stylophores qui sont associés à des crinoïdes, des cyclocystoïdes, des édriastéroïdes et des ophiures.

3. L’exceptionnelle faune ordovicienne de « type Burgess ».

Au cours des dix dernières années, les chercheurs (Van Roy P. et al., 2007 et 2010)ont mis à jour, en explorant l’Ordovicien inférieur de l’Anti- Atlas (niveau 10, Fig.2), plus de 1500 spécimens de fossiles à corps mou, représentant au moins 50 taxons différents. Il s’agit d’une faune benthique riche et diversifiée, vivant sur un fond marin vaseux et comprenant des espèces jusqu'alors considérées comme typiques des faunes «de type Burgess» que l'on pensait éteints à la fin du Cambrien moyen. Son état de conservation est exceptionnel car les «parties molles» de certains organismes ont été minéralisées en pyrite (sulfure de fer), dont l'altération en oxydes de fer donne aux fossiles des couleurs jaunes, orangées ou brunes. Dans ces taxons on distingue une riche faune très diversifiée de démosponges (Piraniaaureaum), demachaeridiens, des variétés de « vers », des arthropodes primitifs de type aglaspidides, chélionellides, euryptérides, limules (Xiphosurid) et marrellomorphes (Furcasp).

IV - L’EXTINCTION MAJEURE DE LA FAUNE ORDOVICIENNE ET L’HOMOGENEITE DES MERS SILURIENNES

1. La glaciation fini-ordovicienne.

A la fin de l’Ordovicien (Ashgill, 450 Ma) une extinction en masse de la faune s’est produite suite à une sévère glaciation du globe terrestre, accompagnée de la formation d’une calotte glaciaire au pôle sud dont les trace figurent dans les roches de l’Anti-Atlas. Il en résulte une réduction de la profondeur des plateaux continentaux restreignant ainsi le développement de la vie dans les écosystèmes marins. Lors de cette crise de la biosphère ordovicienne presque un tiers de la faune marine s'est éteinte; les groupes les groupes d’animaux les plus touchés sont les trilobites, brachiopodes, graptolites, les coraux coloniaux tabulés et rugueux.

2. La transgression eustatique silurienne.

Le Silurien est caractérisé par une grande uniformité des dépôts à l’échelle planétaire. Les dépôts dominants sur l’ensemble du Maroc sont des « Schistes à graptolites ». Il ne s’agit pas de roches métamorphiques, mais de pélites sombres de type « black shales », riches en matière organique. Les fossiles les plus fréquents sont des Graptolites (organismes coloniaux à "squelette" chitineux) qui constituaient une part importante et diversifiée de la faune pélagique marin. De nombreuses espèces se sont succédées et permettent une biozonation précise (Destombes et al., 1985).  Ces environnements de mers peu oxygénées, à faunes monospécifiques ou oligospécifiques sont interprétés comme résultant d’une transgression eustatique mondiale d’origine post-glaciaire.

V- LA RICHESSE FOSSILIFERE ET LA DIVERSITE DES NICHES ECOLOGIQUES DES MERS CHAUDES DEVONIENNES DE L’ANTI-ATLAS ORIENTAL

Le Dévonien se marque à l’échelle du globe par une grande phase d’expansion des dépôts carbonatés. Ce phénomène est bien enregistré dans l’évolution paléogéographique de l’Anti-Atlas oriental (Tafilalt) qui montre la succession de plusieurs paléoenvironnements :

- Dévonien basal : plate-forme marine avec sédimentation détritique fine dominante ;

- Dévonien inférieur et moyen : plate-forme littorale carbonatée avec forte dominance des espèces benthiques (Brachiopodes, Bivalves, Coraux, Echinodermes, Trilobites …      ) ;

- Dévonien supérieur : haut fond carbonaté en milieu marin ouvert, avec abondance d’espèces pélagiques, notamment des Céphalopodes.

1. Les Crinoïdes pélagiques (Scyphocrinites elegans) du Dévonien basal (Lochkovien).

Les dépôts argileux et pélitiques du Dévonien basal présentent des intercalations de calcaires lenticulaires fossilifères. On y rencontre notamment des accumulations de Scyphocrinites elegans, superbe espèce de Crinoïdes qui avait un mode de vie pélagique.

2. Les monticules de boue du Dévonien inférieur et moyen.

Aune vingtaine de kilomètres au SE de la ville d’Erfoud, affleurent les « kess-kess » qui sont de spectaculaires monticules de boue carbonatée (ou mud-mounds) très fossilifères. La qualité de conservation et d’affleurement de ces édifices dont la genèse est discutée les ont rendus célèbres à travers le monde.

3. Les Trilobites.

Dans le Dévonien de l’Anti-Atlas oriental, ils constituent un groupe très diversifié d'organismes avec des formes très spectaculaires. Leur exploitation a offert des centaines de spécimens emblématiques du Sud marocain.

4. Les Céphalopodes.

Les Mollusques Céphalopodes sont quantitativement très abondants et particulièrement diversifiés dans les dépôts calcaires de la période dévonienne avec des formes droites ou incurvées (Orthoceratides) et des formes spiralées (Goniatites et Clyménies). Ces céphalopodes étaient de grands prédateurs, particulièrement abondants au Dévonien supérieur.

L’abondance de ces espèces dans l’Anti-Atlas oriental a permis le développement intensif d’une industrie artisanale de plus en plus lucrative dans la région pour fabriquer des tables, des sculptures, des assiettes et autres objets en calcaires fossilifères. Cette exploitation permet de répondre aux besoins des touristes intéressés, des collectionneurs et des bourses de fossiles et minéraux du monde, mais ces richesses ne sont pas inépuisables. En effet, ces dépôts calcaires fossilifères du Tafilalt ont extension limitée à une paléoride étroite qui était encadrée par deux bassins détritiques subsidents, peu fossilifères. Corrélativement les archives paléontologiques des mers de la période dévonienne continuent à se limiter dans l'espace jusqu'à disparition.

RÉFÉRENCES

Alvaro J. J., Ezzouhairi H., AitAyyad N., Charif A., Sola R. & L. Ribeiro M.L. (2010): Alkaline

lake systems with stromatolitic shorelines in the

EdiacaranvolcanosedimentaryOuarzazateSupergroup, Anti-Atlas, Morocco.

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Benssaou M. et Hamoumi N. (2004) : Les microbialites de l’Anti-Atlas occcidental (Maroc) : marqueurs stratigraphiques et témoins de changements environnementaux au Cambrien inférieur. C. R. Geoscience 336, 109-116.

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Source web par : FADLI Driss , Charrière André & El Wartiti Mohamed

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