« Même les oiseaux sont de retour » (Géoparc Jbel Bani)
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« Même les oiseaux sont de retour » (Géoparc Jbel Bani)

Par Philippe Jouve, agronome et chercheur

Anne Judas, revue Sesame INRA

« Même les oiseaux… » Est un film qui raconte la renaissance de l’oasis de Taldnounte, au Sud du Maroc, dont la sécheresse avait provoqué le déclin. Avec l’aide de l’ALCESDAM [1] et un financement de la principauté de Monaco, les habitants de l’oasis ont pu retrouver de l’eau, établir un nouveau système d’irrigation, reconstituer la palmeraie et revivre. Cette histoire d’une reconstruction physique et sociale, racontée par ceux qui en ont été les acteurs, est riche d’enseignements sur les conditions de durabilité des oasis.

Voir le film de David Paquin et Philippe Jouve (30 mn) :

Les sécheresses récurrentes des années 70 et 80 ont profondément affecté le fonctionnement des oasis du Sud du Maroc. Ainsi dans l’oasis de Taldnounte située aux portes de Tata [1], ces sécheresses ont entraîné le tarissement d’une des deux khettaras (canalisations souterraines drainant l’eau de la nappe phréatique) qui l’alimentaient, entraînant le dessèchement d’une partie de la palmeraie. Faute de ressources pour nourrir leur famille, de nombreux hommes émigrèrent, ce qui accentua le déclin de l’oasis.

L’ALCESDAM (Association de Lutte contre l’Erosion la Sécheresse et la Désertification au Maroc) ayant acquis une solide expérience en matière de réhabilitation des palmeraies dégradées dans la région de Tata, le comité villageois (la jmaa) de Taldnounte lui fit une première demande d’aide en 1987 afin de retrouver de l’eau.

L’oasis de Taldnounte est constituée de deux douars, Aglagal et Tamescht séparés par un cimetière, mais aussi par d’anciens conflits qui conduisirent les responsables de l’Alcesdam à demander aux habitants de l’oasis de se mettre d’accord s’ils voulaient que l’association leur vienne en aide.

Faute d’entente entre les deux villages, le déclin de l’oasis devint chaque année plus manifeste. Mais grâce à l’action d’hommes de bonne volonté, les liens entre les deux villages ont pu être patiemment retissés et une nouvelle demande d’aide conjointe des deux villages fut faite auprès de l’Alcesdam en 2002.

La principauté de Monaco, qui s’était s’engagée dans la lutte contre la désertification et qui, à la demande de l’Alcesdam, participait à la réhabilitation de plusieurs oasis périphériques à la ville de Tata, accepta de financer la réhabilitation de Taldnounte.

La première décision de l’association locale fut de choisir un emplacement pour le puits à creuser qui permette d’irriguer le haut comme le bas de la palmeraie. Par chance, l’eau fut trouvée à une profondeur relativement faible, 19 m, et le débit s’avéra plus important que prévu.

Le creusement du puits fut réalisé par une entreprise spécialisée, et son coût fut pris en charge par l’Alcesdam et Monaco. La construction d’un réservoir pour stocker l’eau et faciliter l’irrigation des parcelles pendant le jour, celle de l’abri pour le moteur et la pompe et la réfection des canalisations furent assurées par la main-d’œuvre locale. Cette contribution a été estimée à environ 50% du coût total de l’aménagement (40 000 dirhams).

Pour certaines parcelles abandonnées depuis plus de 30 ans, il était difficile d’en établir un tracé exact. Grâce à la participation des anciens, il fut possible d’en reconstituer les limites et d’établir un cadastre qui facilita le remembrement informel des zones à nouveau irriguées.

Une fois l’eau revenue, en 2004, les habitants de l’oasis se sont mis au travail pour remettre en valeur leurs terres. Toujours avec l’appui de l’Alcesdam, les cultures et l’élevage furent relancés avec pour objectif de restaurer l’agroécosystème oasien avec ses trois étages de végétation (palmiers à l’étage supérieur, en dessous orangers, figuiers, abricotiers, et à l’étage inférieur les céréales, luzerne et cultures maraîchères).

Plus de 1 000 rejets de bonnes variétés de palmiers dattiers (Boufegous, Bouskri) furent implantés, et des semences de luzerne et de cultures maraîchères, subventionnées à 50%, furent mises à disposition des agriculteurs. Ces actions se traduisirent entre autres par un développement spectaculaire de la luzerne qui trouva un débouché très avantageux dans l’élevage domestique qui existe au sein même de la ville de Tata.

Pour relancer l’élevage, des brebis D’man, race très prolifique, furent distribuées dans les deux douars. Cette relance des activités agricoles permit d’améliorer les ressources alimentaires des familles ainsi que leurs revenus.

La réconciliation des deux douars, représentés désormais par le même comité de développement et la réhabilitation agroécologique de la palmeraie, ont été obtenues grâce au climat de confiance établi entre l’Alcesdam et la population de Taldnounte.

Cette réhabilitation a permis non seulement de freiner l’exode d’une partie de la population vers le nord du Maroc, mais elle s’est également accompagnée du retour de certains émigrés, notamment de retraités venant d’Europe, qui ont désormais plaisir à vivre dans leur douar d’origine et à contribuer à sa remise en culture.

Enfin, l’oasis revit et comme le disent ses habitants « Même les oiseaux sont de retour ».

Le 14 février 2019

Source web par : revue-sesame-inrae

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