Maroc : Les fossiles, grands délaissés de la protection du patrimoine (Géoparc Jbel Bani)
L’archéologue Abdelouahed Lagnaoui pointe du doigt les réseaux de trafic de fossiles, très organisés, face auxquels le ministère de la Culture est encore démuni. La méconnaissance de la valeur de ces témoins de l’histoire participe également à ce pillage.
Le Maroc, souvent considéré comme le paradis des géologues, est-il devenu celui des trafiquants de fossiles ? Sept pièces de fossiles ont été récemment saisies par la police espagnole à l’aéroport de Lavacolla (Galice). Aucun ne possédait la documentation nécessaire justifiant leur importation, relançant ainsi la problématique relative à la protection du patrimoine géologique marocain.
Les fossiles marocains saisis par la police espagnole. | DR
La ville d’Erfoud, dans le sud-est, est mondialement connue pour le commerce de fossile. Nombreuses sont les pièces de valeur à en être sorties illégalement ; le squelette du plésiosaure (un reptile marin) étant certainement l’un des plus emblématiques. Il avait ressurgi en 2017 lors d’une vente aux enchères à l’hôtel Drouot, à Paris, avant d’être finalement restitué au Maroc. Nombreux sont également les habitants de cette petite ville à vivre de ce commerce pas toujours légal.
Contacté par Yabiladi, Abdelouahed Lagnaoui, docteur en géosciences spécialisé en biostratigraphie et sédimentologie, estime quant à lui que la pauvreté et la méconnaissance de la valeur de ces fossiles sont les principales raisons à l’origine de la contrebande de fossiles au Maroc. Mais plus que la population locale, ce sont bel et bien les réseaux d’extraction et de trafic de fossiles que les paléontologues et archéologues, ainsi que les autorités, incriminent le plus.
«Le vrai problème, ce n’est pas que des populations sortent les fossiles de terre ; ce sont les réseaux très bien organisés qui font sortir une partie de notre patrimoine et le travaillent de manière officieuse sur place. Une grande partie de ce patrimoine sort par la voie terrestre et maritime», nous explique Abderrahim Mohib, archéologue rattaché au ministère de la Culture, à sa délégation à Kénitra, et codirecteur de la mission scientifique chargée des recherches archéologiques sur la zone de Casablanca.
«Ce sont des réseaux très bien organisés et très bien équipés. Malgré les efforts réalisés ces dernières années par le ministère de la Culture, nous n’avons pas encore la capacité de tout contrôler.»
Abderrahim Mohib
Des conséquences environnementales
Début 2018, un décret a été promulgué pour inclure le site archéologique de Jbel Irhoud, qui abrite les plus anciens fossiles d’hommes modernes jamais connus. «Toute restauration ou travaux visant la mise en valeur de ce site, situé dans la commune Riahna Irhoud, requiert depuis une autorisation du ministère de la Culture et de la Communication et ne peut être effectuée que sous son contrôle», rappelle le magazine Telquel.
Car les trafiquants de fossile ne s’embarrassent pas de scrupules : le pillage anarchique concerne aussi bien le patrimoine géologique que les objets archéologiques qui émanent de prospections ou de fouilles clandestines. De plus, l’extraction d’objets issus des vestiges archéologiques et paléontologiques hors de tout cadre scientifique participe à la dégradation de l’environnement.
«Les pilleurs laissent parfois des matériaux incompatibles avec l’environnement et creusent n’importe comment, alors que la destruction de couches peut provoquer des glissements de terrain. De plus, ces couches géologiques, dont certaines remontent à 500 millions d’années et peuvent atteindre des profondeurs de 15 à 20 mètres, nous permettent d’étudier l’environnement physique d’une région donnée. Par conséquent, si elles sont détruites, c’est toute une partie des connaissances de notre environnement préhistorique dont on est privés», déplore Abderrahim Mohib.
Susceptibles de contenir des fossiles, ces strates racontent en effet l’histoire naturelle du Maroc et des espèces qui y ont vécu, parfois pendant des millions d’années. «Si on continue à permettre cela, c’est tout notre patrimoine fossilifère qui va être ravagé», prévient-il.
La nécessité de sensibiliser
Le chercheur Abdelouahed Lagnaoui juge nécessaire la création de parcs géologiques dans les régions propices aux découvertes de fossiles ou de météorites, telles que Tinghir, Tata et Zagora. Le Maroc abrite actuellement un seul géoparc, celui de M’Goun, qui couvre une superficie estimée à plus de 5 700 km² et englobe 15 communes. Il s’agit d’un territoire protégé qui comprend plusieurs géosites ayant une valeur écologique, archéologique, historique et culturelle. Il insiste également sur la nécessité de sensibiliser les populations locales «de ces zones géologiquement riches en organisant des ateliers et des conférences».
Pour rappel, le Maroc a ratifié la Convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel le 28 octobre 1975. Depuis 2012, neuf sites marocains sont inscrits au patrimoine mondial en tant que biens culturels et quatre en tant que biens naturels, mais aucun site fossilifère n’y figure.
Publié Le 13/01/2020
Source web Par yabiladi
Les articles en relation
Du néodyme dans les aimants des disques durs (Géoparc Jbel Bani)
Du néodyme dans les aimants des disques durs (Géoparc Jbel Bani) Le néodyme (Nd) est un lanthanide qui présente les mêmes propriétés de malléabilité et d'oxydation au
Savoir plus...
Découverte au Maroc : Un "Pompéi marin" de 515 millions d’années
Découverte au Maroc : Un "Pompéi marin" de 515 millions d’années Le géologue marocain Abderrazak El Albani, accompagné de son équipe de l’Université de Poitiers,
Savoir plus...
Réseau de Tourisme Durable et Rural du Géoparc Jbel Baní (RTDRGJB)
Réseau de Tourisme Durable et Rural du Géoparc Jbel Baní (RTDRGJB) Le Réseau de Tourisme Durable et Rural du Géoparc Jbel Baní (RTDRGJB), comprenant 75 circuits touristiques interacti
Savoir plus...Tourisme : Une nouvelle zone touristique à Tan-Tan (Géoparc Jbel Bani)
Tourisme : Une nouvelle zone touristique à Tan-Tan (Géoparc Jbel Bani) Le 31 janvier 2007 C’est à Chbika, zone située dans la province de Tan-Tan, que naîtra l’une des stations tourist
Savoir plus...
Province de Guelmim: 1.325 palmiers et arbres fruitiers touchés par le feu en 2019 (Protection civile) (Géoparc Jbel Bani)
Province de Guelmim: 1.325 palmiers et arbres fruitiers touchés par le feu en 2019 (Protection civile) (Géoparc Jbel Bani) Tighmert (Province de Guelmim) – Les incendies survenus depuis le début de l’
Savoir plus...Moussem de Tan-Tan : Focus sur la promotion de l’investissement (Géoparc Jbel Bani)
Moussem de Tan-Tan : Focus sur la promotion de l’investissement (Géoparc Jbel Bani) Des investisseurs et experts nationaux et internationaux issus du monde des affaires ont examiné, lors de la « Green Invest
Savoir plus...
Convergence promotionnelle entre le tourisme et l’artisanat
Un projet de création et de promotion des circuits touristiques intégrant l’artisanat a été lancé à Fès et à Marrakech pour renforcer la complémentarité entre l
Savoir plus...Les 10 arbres fruitiers spontanés du Maroc
Les 10 arbres fruitiers spontanés du Maroc Le Maroc, pays où l’agriculture occupe un rôle très important, est une terre qui compte de nombreuses espèces d’arbres. Le Maroc, pays de passage, a
Savoir plus...
Guelmim-Oued Noun/Agriculture: La révolution du cactus à Sidi Ifni (Géoparc Jbel Bani)
Guelmim-Oued Noun/Agriculture: La révolution du cactus à Sidi Ifni (Géoparc Jbel Bani) Le Plan agricole régional (2009-2020) pour le développement de la production animale a identifié 7 proje
Savoir plus...#MAROC_Enquête_Le_vécu_de_la_pandémie_et_du_confinement_dans_la_vallée du Drâa
#MAROC_Enquête_Le_vécu_de_la_pandémie_et_du_confinement_dans_la_vallée du Drâa A Zagora au pays de la pastèque de printemps, et dans les oasis de la vallée, comment les petites exploitat
Savoir plus...
L'ytterbium et ses utilisations : horloges atomiques et cristaux laser (Géoparc Jbel Bani)
L'ytterbium et ses utilisations : horloges atomiques et cristaux laser (Géoparc Jbel Bani) L'ytterbium (Yb) est un lanthanide. Il craint l'air, en particulier s'il est humide. Ductile et malléable &agrav
Savoir plus...
Guelmim: Début de la 9ème édition du Festival de la semaine du dromadaire (Géoparc Jbel Bani)
Guelmim: Début de la 9ème édition du Festival de la semaine du dromadaire (Géoparc Jbel Bani) Guelmim, 21/07/2019 (MAP) – La 9ème édition du Festival de la semaine du dromadaire s&rsquo
Savoir plus...Les tags en relation
En savoir plus sur " Paléontologie et fossiles de TSGJB - AMDGJB "
Consulter les vidéos de " Paléontologie et fossiles de TSGJB - AMDGJB " Consulter les photos de " Paléontologie et fossiles de TSGJB - AMDGJB " Consulter les publications de " Paléontologie et fossiles de TSGJB - AMDGJB " Consulter les éditions de " Paléontologie et fossiles de TSGJB - AMDGJB " Consulter les communications de " Paléontologie et fossiles de TSGJB - AMDGJB "Recherche du site
Recherche avancée / Spécifique
Géoparc et Recherche Scientifique
Le coins de l’étudiant
Blog Géoparc Jbel Bani
Dictionnaire scientifique
Plus de 123.000 mots scientifiques
Les publications
Géo parc Jbel Bani
Circuits & excursions touristiques
cartothéques
Photothéques
Publications & éditions
