Bilmawen : entre tradition ancestrale et polémique religieuse, un débat sur l’identité culturelle marocaine
La fête de Bilmawen, également appelée Boujloud, est une tradition séculaire qui continue d’animer les régions du Maroc, bien qu’elle soit aujourd'hui au cœur de vifs débats. Ce rite, célébré principalement après l’Aïd Al-Adha, voit des participants, souvent des jeunes, se déguiser en portant des peaux de moutons sacrifiés et parader dans les rues des villages et des villes. Héritée des coutumes amazighes préislamiques, la fête de Bilmawen symbolise la fertilité et la prospérité. Cependant, elle suscite des polémiques croissantes, notamment en raison d'accusations de violences, de pratiques jugées contraires à l’islam, et de sa possible dénaturation culturelle.
Cette année, les festivités ont été marquées par des controverses. Des incidents violents auraient eu lieu à Aourir, près d’Agadir, bien que les autorités locales aient rapidement démenti tout lien avec Bilmawen. Selon une source informée, les images circulant sur les réseaux sociaux et évoquant un "massacre" sont anciennes et sans rapport avec les célébrations actuelles.
Outre ces accusations, certains religieux dénoncent la fête pour ses pratiques qu’ils jugent contraires aux principes de l’islam. Lahcen Skenfel, président du conseil scientifique de Skhirat-Témara, a déclaré que ces réjouissances, sous les noms de Boujloud ou Bilmawen, « vont à l’encontre des valeurs islamiques ». Il a notamment critiqué le port des peaux et les parades comme des vestiges de rites païens qui ne devraient pas perdurer dans une société islamique.
Ces critiques ont suscité des réactions vives, notamment de la communauté amazighe. Ahmed Arrehmouch, militant des droits de l'homme, a dénoncé ces attaques comme une remise en question d'un « héritage culturel profondément enraciné dans l’histoire marocaine et africaine ». Pour lui, attaquer Bilmawen, c’est nier une partie de l’identité culturelle du Maroc. De son côté, Ahmed Assid, également militant amazigh, estime que ces polémiques religieuses traduisent une tentative d’imposer une « pensée unique » importée de l’étranger, incompatible avec la culture et l’histoire marocaines.
En parallèle, certains chercheurs et défenseurs du patrimoine s’inquiètent de la transformation de Bilmawen en un simple carnaval à l’occidentale. Mohamed Akdim, chercheur en patrimoine et culture populaire, met en garde contre l'« américanisation » de cette fête traditionnelle, craignant qu’elle perde ainsi son essence culturelle et sa diversité régionale.
Bilmawen, qui se décline en différentes formes locales, n’est pas exclusive au Maroc. Ce rite millénaire, qui a évolué au fil des siècles, s'est adapté à la nouvelle religion islamique en se rattachant à des événements comme l’Aïd Al-Adha, où les peaux de moutons sont disponibles. Cette « islamisation » de la coutume témoigne de la capacité de la culture marocaine à intégrer des traditions anciennes dans une société moderne et religieuse.
Pour certains défenseurs de la tradition, comme Assid, la préservation de cette coutume au sein de la région du Souss-Massa s'explique par une approche équilibrée entre foi spirituelle et culture terrestre. Il cite l’exemple des imams de la région, qui allient pratique religieuse et participation active aux danses traditionnelles telles que l’Ahwach.
Si la fête de Bilmawen tend à se limiter aujourd’hui à certaines régions comme le Souss-Massa, elle représente toujours une part importante de la diversité culturelle marocaine, symbole d'une tradition millénaire qui a su résister aux influences extérieures et aux débats idéologiques.
Le 18/09/2024
Rédaction de l’AMDGJB Géoparc Jbel Bani
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