Tornades solaires : les scientifiques avaient tout faux !
En étudiant avec des moyens modernes les tornades solaires découvertes au cours du XXe siècle, les astrophysiciens solaires ont découvert récemment qu'elles n'existaient pas.
On s'accorde généralement à faire de Galilée le découvreur des taches solaires. L'observation du Soleil se poursuivant, les astrophysiciens vont ensuite se concentrer sur les observations de la couronne solaire que l'on pouvait voir lors des éclipses et aussi sur l'étude du spectre solaire au cours du XIXe siècle, grâce à la découverte de la spectroscopie des éléments, développée par les physiciens Joseph Von Fraunhofer, Gustav Kirchhoff et le chimiste Robert Bunsen.
L'étude de la couronne et des protubérances solaires va faire un bond en 1931, lorsque l'astronome et opticien français Bernard Lyot va commencer ses observations au Pic du Midi avec le tout nouvel instrument qu'il vient de concevoir : le coronographe. Il va notamment en tirer des films impressionnants montrant les éruptions solaires en accéléré. Parallèlement, la théorie progresse avec les développements des modèles de structure interne et d'atmosphère du Soleil, en particulier sous l'impulsion de Chandrasekhar.
Une compilation des images prises au cours des années par Lyot avec son coronographe. © Cédric Thomas
Des observatoires pour une météorologie solaire
Les observations du Soleil depuis l'espace vont se mettre en place et se développer au cours des années 1960 et 1970 en complément des observations que l'on peut mener au sol. Des années 1990 aux années 2000, des missions marquantes auront lieu dont les noms sont célèbres, Soho, SDO et Hinode.
Indépendamment d'une pure quête de la connaissance, l'autre objectif des missions spatiales d'étude du Soleil est d'aboutir un jour à une météorologie solaire performante permettant de prédire les colères de notre étoile ou pour le moins en les annonçant quand elles débutent. Ces tempêtes sont en effet susceptibles de perturber sérieusement notre civilisation, de plus en plus dépendante des satellites autour de la Terre et de l'électronique, des technologies vulnérables à l'occurrence d'électrons tueurs et de surtensions provoquées par induction lors des tempêtes magnétiques.
Comme sous-produits de ces programmes de recherche, une équipe de chercheurs européens vient d'annoncer à la conférence European Week of Astronomy and Space Science (EWASS) à Liverpool que les observations de SDO, Hinode et Iris dans l'espace, conjointement avec celles recueillies depuis plusieurs années au sol, à la Tour solaire de l'Observatoire de Paris et avec le télescope solaire Thémis de l'Observatoire du Teide, avaient conduit à une étonnante remise en cause.
Les tornades solaires découvertes depuis le début du XXe siècle dans la couronne solaire... n'en sont pas !
C'est ce que plusieurs de ces chercheurs ont commencé à expliquer depuis l'année dernière dans plusieurs publications sur arXiv.
Contre toute apparence, les « tornades solaires » ne tournent pas. C’est la conclusion des travaux menés par une équipe de chercheurs européens comprenant une astronome de l’Observatoire de Paris - PSL, et rapportée le vendredi 6 avril 2018, à la conférence European Week of Astronomy and Space Science (EWASS) à Liverpool.© L'Observatoire de Paris
Les tornades solaires, un effet de perspective illusoire
Les images obtenues depuis des décennies semblaient pourtant bien montrer des structures de plasma en rotation rappelant les tornades sur Terre mais dont les tailles correspondaient à plusieurs diamètres terrestres.
Mais cherchant à les connaître avec plus de précisions, les astrophysiciens ont multiplié les mesures de vitesses par effet Doppler dans ces structures, ainsi que les estimations des températures et des densités. Cela leur a permis de les cartographier et d'obtenir une représentation en 3D du champ de vitesses associées. Et là surprise ! Pas de rotation ! Il ne s'agissait pas de tourbillons de plasma mais bien une classe de simples protubérances solaires désormais rebaptisées « protubérances en tornade ».
« Nous voyons qu'en dépit de l'apparence verticale des tornades et des protubérances au bord du Soleil, le champ magnétique qui les soutient n'est pas vertical, comme il semblait, mais horizontal, parallèle au bord du Soleil. Leur apparente verticalité est un effet dû à la projection de toutes les structures sur le plan du ciel », explique Nicolas Labrosse, chercheur à l'université de Glasgow (School of Physics and Astronomy), dans un communiqué du CNRS.
« Cet effet est similaire aux traînées d'un avion laissées dans le ciel. Si l'avion vole toujours à la même altitude, sa traînée semble s'interrompre sur la ligne d'horizon. Cela ne veut pas pour autant dire que l'avion s'est écrasé au sol », précise également dans ce communiqué Arturo López Ariste, chercheur CNRS à l'Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie (université de Toulouse).
« Ces protubérances-tornades peuvent être stables pendant plusieurs jours et mois, avant d'exploser et de provoquer des éjections de masse coronale dont les conséquences dans l'environnement terrestre sont connues au titre de la météorologie spatiale. Elles peuvent entraîner des perturbations dans les centrales électriques, les satellites et les réseaux de communications sur Terre », ajoute Brigitte Schmieder, astronome de l'Observatoire de Paris - PSL.
Publié le 15/04/2018
Source web par : futura-sciences
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