Le chêne-liège, un rempart précieux contre l'ensablement
A l’approche du printemps et de la Journée internationale des forêts, il conviendrait de profiter de cette période verte pour redécouvrir les joyaux aussi rares que magnifiques dont jouissent le Royaume et plus précisément les massifs forestiers. A l’honneur pour commencer, la subéraie.
C’est seulement lorsqu’on risque de perdre quelque chose qu’on se rend compte à quel point on y tient et on en a besoin. C’est un peu le sens de l’histoire de la subéraie de la Maâmoura au Maroc. Cette forêt de chêne-liège n’est pas une forêt comme les autres. Elle cultive une discrétion aux antipodes de l’importance qu’elle revêt, de par ses bienfaits mais également, des conséquences désastreuses que pourrait avoir sa disparition sur les terres environnantes.
Allégorie de la pluviométrie locale, sèche, avec des arbres espacés, la forêt de la Maâmora est délimitée par l’océan Atlantique à l’ouest. Elle se déploie sur une superficie totale d’environ 880.000 hectares (ha) et les quelque 123.000 qui définissent son domaine forestier couvrent d’immenses territoires allant des provinces de Kénitra, jusqu’à Sidi Kacem en passant par Sidi Slimane. Si la moitié de ses peuplements forestiers sont l’apanage d’arbres d’eucalyptus (45.000 ha), de pins (9.400 ha) et d’acacia (2.500 ha), son autre moitié est quant à elle composée d’une vaste forêt de chêne-liège, d’à peu près 65.000 ha. Cette superficie catégorise la Maâmoura comme la plus grande subéraie du Maroc et même du monde, ou du moins, de tout le pourtour méditerranéen.
A l'âge adulte, le chêne-liège, robuste et dont les racines pénètrent profondément le sol, peut aisément atteindre les 15 m de hauteur et vivre jusqu’à 200 ans. Son feuillage persistant est le symbole d’un arbre qui photosynthétise dès que les conditions de lumière et d'approvisionnement en eau sont suffisantes. Aussi est-il connu pour ses aptitudes à préserver la biodiversité qu’il abrite, selon les littératures sur le sujet, 135 espèces de plantes, 24 de reptiles et d’amphibiens, 160 espèces d’oiseaux et 37 de mammifères. Une abondance due notamment à la faculté des subéraies d’être des systèmes sylvo-pastoraux de basse intensité, associés fréquemment à une gestion durable, au maintien du cycle naturel de l’eau et du carbone.
Mais la réputation mondiale dont jouit le chêne-liège est mue par la production de liège et de glands qu’il offre. De ce fait, à la Maâmoura, il y aurait plus de 50 entreprises forestières et 10 unités de transformation de la subéraie. Sans oublier les quelque 200 exploitants forestiers et 9 groupements d’intérêt économique, lesquels regrouperaient 34 coopératives. Résultat: 100 millions de DH en moyenne annuelle de recettes forestières y seraient générés.
A la lumière de ces éléments, les bienfaits économiques sont éminents, au même titre que ceux écologiques. Outre sa faculté à résister aux incendies, et en partant du principe qu’une subéraie est en mesure de fixer une quantité importante de CO2, contribuant ainsi à la rétention du carbone, elle est une barrière efficace contre la désertification et la dégradation des sols.
Souligner ces qualités nous renvoit inlassablement à un scénario catastrophe, qui pourrait se concrétiser si rien n’est fait pour arrêter la mort lente et silencieuse des subéraies, surtout que son climax mettrait en danger les infrastructures environnantes. Comment ? C’est aussi simple qu’effrayant.
En 1910, le massif forestier du chêne-liège s’étendait sur 130.000 hectares, mais à cause des années de sécheresse, du surpâturage, de surexploitation des ressources forestières par les habitants, de la déforestation à des fins mercantiles, mais encore l’apparition de certaines maladies et parasites et l’expansion urbanistique, la forêt connaît une régression annuelle en termes de superficie et de densité de l’ordre de 1.500 ha. A ce rythme, combien de temps va-t-elle encore résister aux cinq milliards de m3 de sables siliceux et mobiles qui guettent les infrastructures environnantes? Car sans elle, l’ensablement et l'ensevelissement menacent fortement, aussi bien les villes limitrophes, les cultures et les barrages que les égouts, autoroutes et véhicules, aéroports et avions. Sans parler de la faune et la flore qui en dépendent.
Ainsi maltraitée et malmenée dans tous les sens à la fois par l’homme et les éléments naturels, si elle pouvait s’exprimer, la subéraie crierait à l’aide pour nous prévenir de l’imminence du danger. Heureusement, comme une réponse à un cri de souffrance étouffé, un programme décennal fut acté en 2015 par le Haut-commissariat aux eaux et forêts et à la lutte contre la désertification (HCEFLCD) porte-parole et garant de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques gouvernementales dans les domaines de la conservation et du développement durable des ressources en faune et flore du pays. Un programme qui vise à la protection et la reconstruction des écosystèmes de chêne-liège ainsi que la valorisation de la biodiversité de cet espace naturel.
Dans les faits, ce seront 7850 ha de la subéraie qui seront reconstruits pour un budget de 88 millions de DH. Initiative fondamentale et sans laquelle, les futures générations qui verront le jour dans la région de Maâmoura, n’auraient peut-être jamais l’occasion de pique-niquer, contempler ou encore respirer l’air de la subéraie.
Source Web: libe
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