PREMIÈRES DÉCOUVERTES EXTRA-MUROS (Géoparc Jbel Bani)
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PREMIÈRES DÉCOUVERTES EXTRA-MUROS (Géoparc Jbel Bani)

Si les récits situent la construction de la forteresse d’Agadir Oufella au temps des Saâdiens, les fouilles archéologiques sont là pour attester de la véracité de ces informations, les compléter et les démontrer. Elles permettent aussi d’étudier, voire vérifier l’éventuelle présence de substrats archéologiques d’avant cette époque. De la forteresse d’Agadir Oufella jusqu’à ses alentours, tout est actuellement observé et documenté. À ce titre, le Dr Youssef Bokbot souligne que le site occupe une position stratégique où sont imbriquées toutes les phases : celles d’avant 1960, celles liées à l’effondrement dû au tremblement de terre et celles des interventions effectuées après le séisme. Tout est lisible, comme les pages d’un livre que l’on feuillette.

La découverte, aux alentours de la Kasbah, de carrières utilisées pour l’extraction de sable et d’argile, a même permis de remonter l’histoire du site jusqu’à son âge géologique. La présence d’affleurements de roches où apparaissent des fossiles marins, prouve en effet qu’à l’ère géologique, ce niveau de strate était au niveau de la mer.

DES SONDAGES POUR ANALYSER LES MURAILLES

Des sondages ont été pratiqués le long du rempart Est jusqu’à la tour Nord-Est de la Kasbah, puis sur la partie du rempart Sud se situant avant l’entrée, pour vérifier l’intégrité des remparts de cette enceinte, remaniés à plusieurs reprises, et tâcher ainsi de les dater. Il est impératif de bien comprendre la stratigraphie muraire en ce qui concerne les mortiers et les enduits. Leur datation est assez compliquée. Les datations effectuées sur les carbonates (CO3Ca) de la chaux n’étant nullement fiables, le seul moyen de dater les mortiers consiste à échantillonner les éventuelles inclusions de matière organique contenues dans ces matériaux : charbons de bois, fragments de paille…

Plusieurs couches stratigraphiques ont été mises au jour jusqu’à la roche-mère et le matériel archéologique découvert est en cours d’analyse. Le Dr Mabrouk Saghir précise que ce matériel apportera de précieux indices sur les modes d’occupation ou de vie des sociétés qui se sont succédé sur ce site, du Moyen Âge jusqu’aux époques modernes d’avant 1960. D’ores et déjà, Mabrouk Saghir et Youssef Bokbot s’accordent à déclarer que le site était déjà occupé avant le XVIe siècle.

DES STRATES ANTÉRIEURES AU XVIe SIÈCLE

Pratiqué dans un angle pour observer la liaison entre deux murs, un sondage a révélé des couches stratigraphiques datant d’avant la fondation de la Kasbah. En effet, si les côtés Est et Sud de l’édifice reposent sur la roche-mère, situant ses fondations au XVIe siècle, la partie analysée du mur d’enceinte Nord-Est présente, pour sa part, deux couches stratigraphiques antérieures au XVIe siècle et une grande quantité de matériel archéologique qui prouve qu’une vie avait bien cours avant la construction de la forteresse en ce point du site. Ceci corrige déjà la vision d’un site dont on connaît un périmètre récent, mais dont on ne savait pas qu’il était bordé d’autres éléments de bâti indépendants de lui.

DES MORTIERS DIFFÉRENTS MIS AU JOUR SOUS LA MURAILLE

L’un des sondages de la muraille Est a dévoilé deux dalles reposant elles-mêmes sur la roche-mère de la montagne. Un sondage pratiqué à cet endroit a révélé une petite fosse remplie de gravats et de gros blocs qui ont probablement servi de support aux fondations de la muraille. À ce niveau du site, la roche-mère est aussi beaucoup plus élevée qu’au niveau des lieux saints, avec une différence de près de 4 mètres, ce qui offre une base beaucoup plus solide aux structures et a probablement orienté le choix des sites d’implantation des murailles. Une faille visible montre comment tout ceci a été remodelé encore lors d’un tremblement de terre, sans doute le dernier en date.

UN SOL DE 1960 QUI A REÇU DES ÉBOULEMENTS

L’un des sondages les plus profonds effectués a révélé trois couches distinctes avant le substrat du sol dit dur. La première est la couche superficielle toujours dégagée avant de débuter un sondage archéologique. La seconde est une couche archéologique qui contient beaucoup de vestiges (débris, animaux, éclats de céramique). La troisième constitue le sol de 1960, celui qui a reçu les éboulements et en dessous duquel se trouvent les blocs qui soutiennent la muraille et les sédiments marins. Lorsque certaines parties de la muraille se sont effondrées, c’est ce sédiment qui les a reçues d’abord avant d’être recouvert par la couche archéologique évoquée plus haut. Cet état de fait dû à un site sismique complexifie ainsi la fouille.

LA TOUR DISPARUE

Au niveau de l’angle du rempart Est, les archéologues ont découvert les fondations d’une tour dont seule la base affleure encore au sol. Elle a la particularité d’être une tour angulaire, probablement une tour de guet qui servait autrefois à surveiller les environs arrière de la Kasbah. Dans l’optique d’une reconstruction, il faudra déterminer chacune des époques intriquées pour bien expliquer comment un monument ne naît pas d’un seul coup mais provient d’une succession d’étapes constructives.

LE FOUR À CHAUX

Un four à chaux creusé dans le roc a été identifié en contrebas de la forteresse. Ce dernier présente une ouverture circulaire cylindrique caractéristique. Une ouverture latérale a été opérée à la base du four pour l’alimentation en combustible. Celle-ci conserve encore des blocs de grès dunaire rougis par le feu. La forteresse, connue pour ses blanches façades, avait en effet prélevé la matière sur son site même d’édification.

LE DÉCAPAGE HORIZONTAL APRÈS SONDAGES

Les divers points de sondage pratiqués le long de la muraille Est ont révélé que le sol d’occupation contemporain au tremblement de terre est situé entre 0,40 et 0,60m de profondeur. Les sondages ont révélé aussi que la muraille a été bâtie directement sur le substratum géologique calcaire. Les blocs d’effondrement dus au tremblement de terre reposent sur le sol d’occupation d’avant février 1960. Pour délicatement enlever le plus gros après les fouilles préventives, une petite pelle mécanique opère avec godet à tranche lisse et à nasse. L’ensemble de ces opérations est placé sous le contrôle permanent de l’un des archéologues en chef.

L’ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE

Si l’archéologie se pratique depuis au moins 150 ans, l’archéologie préventive est une discipline scientifique plutôt récente, apparue depuis à peine trente ans. Son appellation anglaise « emergency archeology » renseigne bien sur sa véritable nature : une archéologie d’urgence.

Elle a pour rôle premier d’étudier les vestiges qui risquent d’être détruits par des travaux d’aménagement du territoire. En plus d’identifier l’héritage patrimonial, l’archéologie préventive a pour deuxième vocation de documenter scientifiquement et de façon systématique, puisque chaque intervention sur le patrimoine est toujours enregistrée.

Adrien Delmas déplore que cette démarche soit encore trop rare au Maroc, alors que les enjeux sont considérables dans un pays aussi riche d’histoire. Au regard de l’urbanisation croissante du pays, du développement des infrastructures, l’historien préconiserait une archéologie préventive qui accompagne les travaux pour s’assurer de ne pas détruire le patrimoine. Car les excavations que doivent faire toute autoroute ou autre grand aménagement sont une opportunité exceptionnelle pour permettre à des équipes d’archéologues professionnels de documenter des périodes anciennes.

Le Dr Youssef Bokbot précise que l’archéologie préventive n’est pas systématique au Maroc pour cause de vide juridique. La loi n° 22-80, relative à la conservation du patrimoine, ne prévoit pas, en effet, d’études d’impact sur le patrimoine archéologique lors du lancement de projets structurants. Seule la volonté et la sensibilité des aménageurs peuvent faire la différence. Cependant, les expériences internationales ont démontré qu’aujourd’hui, la maîtrise d’ouvrage peut facilement intégrer l’archéologie préventive dans les études préalables.

Source web par : agadir premiere

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