Un ver plat envahit les sols
Des dizaines de témoignages recueillis en Métropole et en Outre-mer décrivent la présence de vers plats exotiques ayant une tête en forme de marteau. Or, ces espèces invasives, qui ont pu arriver en France par le commerce de plantes, mangent des vers de terre et menacent la biodiversité du sol.
Les vers de terre sont des animaux essentiels dans l'écosystème souterrain. Ils rendent bon nombre de services aux jardiniers : ils digèrent la matière organique, aèrent le sol et favorisent sa fertilité. Mais voici que des vers plats originaires d'Asie viennent les menacer dans nos jardins, et ce depuis une vingtaine d'années déjà !
Les prédateurs en question sont des Plathelminthes terrestres, des bipaliinés, une famille qui regroupe les genres Bipalium et Diversibipalium. Ces vers géants peuvent mesurer jusqu'à un mètre de long et présentent une tête caractéristique en forme de marteau. Les Bipalium sont capables de manger des individus plus gros qu'eux grâce à un arsenal chimique redoutable ; ils sécrètent notamment une toxine, la tétrodotoxine.
Des chercheurs français ont lancé appel aux citoyens pour qu'ils leur envoient des photographies et des spécimens de ces vers plats. Dans The Conversation, Jean-Lou Justine, professeur de parasitologie au Muséum national d'histoire naturelle, décrit les résultats de ce travail qui a duré cinq années. Sur 700 signalements de vers plats terrestres, une centaine était des bipaliinés.
Bipalium peut tuer un ver de terre. © Pierre Gros, CC BY-SA
Ce ver Plathelminthe tue les lombrics
Une espèce plus petite, Bipalium vagum, a été trouvée dans certains territoires d'Outre-mer, mais pas en Métropole. Enfin deux espèces inconnues ont été décrites : l'une, noire, trouvée dans une seule localité française, et l'autre, de couleur bleu turquoise, décrite à Mayotte.
En France métropolitaine, deux espèces étaient présentes, avec des vers mesurant jusqu'à 40 cm de long : Bipalium kewense, également présent en outre-mer (Guadeloupe, Martinique, Guyane) et Diversibipalium multilineatum.
Ces vers se trouvaient essentiellement dans le Sud de la France, avec un département qui concentrait plus de la moitié des signalements : les Pyrénées-Atlantiques. La répartition des vers est probablement liée au climat, comme l'explique Jean-Lou Justine : « Les Plathelminthes terrestres, qui viennent des régions semi-tropicales d'Asie, ont deux ennemis : le froid en hiver et la sécheresse en été. Il semble que les Pyrénées-Atlantiques, avec leur hiver doux et leur été jamais tout à fait sec, constituent un petit paradis pour eux ! »
Ce Diversibipalium bleu a été trouvé uniquement à Mayotte. © Laurent Charles, CC BY-SA
Une analyse génétique des vers basée sur le gène du cytochrome oxydase I a révélé une grande homogénéité des espèces dans le monde. Ces vers plats se multiplient par scissiparité, un mode de reproduction asexuée : un morceau de l'animal se détache de la queue du « père » et donne un individu « fils » qui est le clone son « père ». Ce mode de reproduction est un atout pour une espèce invasive puisque chaque ver « potentiellement immortel » n'a pas besoin de trouver l'âme sœur pour se reproduire.
Jean-Lou Justine insiste sur le fait que jusqu'à présent il existait très peu d'informations scientifiques sur ces espèces en France, alors que le plus ancien témoignage recueilli sur notre territoire remonte à 1999. « Il semble paradoxal que l'invasion d'un pays développé, en Europe, par des animaux aussi spectaculaires et bien visibles, et potentiellement dangereux pour la biodiversité, n'ait attiré l'attention d'aucun scientifique ni d'aucune institution. » Pour que le public soit désormais conscient de la menace représentée par ces vers, les chercheurs mettent à disposition une version française de leur publication scientifique parue dans PeerJ.
Publier le 27 mai 2018
Source web par : futura-sciences
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