Énergie renouvelable - Maroc : le défi solaire de Ouarzazate (Géoparc Jbel Bani)
Avec l'inauguration de la centrale Noor I, le Maroc confirme l'objectif qu'il s'est donné de renforcer son mix énergétique avec du renouvelable. Par notre envoyée spéciale à Ouarzazate, Julie Chaudier
« La consommation nationale d'électricité a doublé en une dizaine d'années », a rappelé, en présence du roi, le directeur général de l'Office national de l'électricité (ONE), lors de l'inauguration de la première tranche de la centrale solaire Noor en ce jeudi 4 février 2016. À 12 km du centre-ville d’Ouarzazate, Noor, c'est 160 MW de puissance installée sur 450 hectares de miroirs géants sur lesquels se concentrent les rayons du soleil. À terme, le parc solaire d’Ouarzazate comptera quatre stations et 580 MW de puissance installée. Et ce n'est que le premier d'une longue série qui va développer une puissance installée de 2 000 MW à l'horizon 2020, soit l'objectif du Projet solaire marocain (PSM) lancé en 2009, moyennant un investissement de 9 milliards d'euros. Ce projet s'inscrit lui-même dans une politique énergétique plus vaste qui vise à atteindre, d'ici à 2030, 52 % du mix énergie renouvelable marocain autour du solaire, mais aussi de l'éolien et de l'hydraulique.
Réduction de 14 % des émissions de gaz à effet de serre
« Notre retard [nous, pays en développement, ndlr] est une opportunité ; nous avons l'occasion d'adopter des technologies moins polluantes, alors que les pays développés doivent revoir tout leur système », a estimé Hakima El Haite, ministre déléguée à l'Environnement, lors du Forum des INDC, co-organisé par le Maroc à Rabat les 12 et 13 octobre dans la perspective de la COP21 qui s'est tenue à Paris. Le solaire est ainsi devenu un élément central des engagements pris par le Maroc en décembre dernier à Paris, en dépit de la construction, dans le même temps, d'une centrale à charbon de 1 386 MW à Safi, et de l'extension de celle de Jorf Lasfar pour une capacité supplémentaire de 700 MW. Faut-il le rappeler : le Maroc a depuis enfoncé le clou de son engagement de réduire de 14 %, et ce de manière inconditionnelle, ses émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2030. Tout cela « par rapport au cours normal des affaires » dans la perspective d'une aide internationale accrue de 18 %.
Stress hydrique extrême
« Le Maroc a commencé à être visionnaire quand feu Hassan II a demandé que soit créé ici l'un des plus grands barrages du Maroc. Il a donné sa vraie chance à Ouarzazate. Aujourd'hui, notre pays est un acteur majeur en Afrique et dans le monde dans ce grand défi des énergies renouvelables », a affirmé André Azoulay, conseiller royal d’Hassan II puis de Mohammed VI. C'était lors du Morocco Solar Festival, vendredi 16 octobre, au Palais des congrès d’Ouarzazate.
Ainsi, le barrage El Mansour Eddahbi de Ouarzazate a été construit en 1971 pour créer, dans cette zone aride, un équilibre entre les disponibilités en eau et les besoins en jouant sur une équation années pluvieuses-années de sécheresse dans le but de protéger les communes vulnérables contre les inondations. Pour bien en comprendre la pertinence, il faut savoir que, selon le think tank américain Word Resources Institute, le Maroc est le 19e pays le plus exposé au stress hydrique le plus élevé du monde. C'est un pays qui consomme plus de 80 % de l'eau disponible sur une année sur son territoire. C'est dire.
Grands barrages et effet pervers
Comme à Ouarzazate, « une grande partie des dépenses climatiques dans le secteur de l'eau est axée presque en totalité sur les infrastructures hydrauliques », remarque la Banque mondiale dans sa revue « des dépenses publiques et analyse institutionnelle du politique climat du Maroc » parue en 2013. 74 % des dépenses climatiques dans le secteur de l'eau entre 2005 et 2010, en moyenne. À Ouarzazate, le barrage a cependant été le vecteur paradoxal de la désertification des oasis de la vallée du Drâa.
« Conçu pour endiguer les crues, réguler l'écoulement, outre la production de l'électricité et l'alimentation des centres urbains en eau potable, ce barrage a généré des effets pervers en perturbant l'alimentation de la nappe, en arrêtant la fertilisation naturelle des sols et en asséchant le lac d'Iriqi, jadis fréquenté par une importante faune et par des nomades. Cette perturbation du système écologique, déjà fragile, a renforcé la tendance à la désertification », ont constaté les géographes marocains Mohamed Aït hamza et B. El Faskaoui, dans leur article « Les oasis du Drâa au Maroc : rupture des équilibres environnementaux et stratégies migratoires ». Les pompages privés se sont multipliés, réduisant la nappe phréatique. « Les dunes de sable font aujourd'hui partie du paysage à M'hamid, Ktaoua, Fezouata, voire à Ternata, en amont de Zagora », rappellent les deux chercheurs.
Le 05/02/2016
Source web par : le point
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