Un bref éclairage sur les friches industrielles pour Abdelmalek FIzAzI
Abdelmalek FIzAzI
Archéologue, expert-consultant auprès de l’Agence de l’Oriental (Rabat)
la reconversion de la friche industrielle de Jerada en un parc muséologique minier : un projet de patrimonialisation au service du développement
Un bref éclairage sur les friches industrielles
notre propos n’est pas une réflexion théorique sur les friches industrielles, mais la présentation d’un exemple du début d’un processus d’une réhabilitation d’un site minier et de
ses infrastructures dans la Région de l’Oriental, au Maroc.
Les friches industrielles sont la matérialisation même de la crise économique et industrielle d’une activité et d’un territoire :
• cessation de la production de charbon dans de nombreuses régions européennes (Nord-
Pas de Calais, Asturies, Pologne, Ruhr...) et marocaines, comme à Jerada ;
• chantiers navals (Saint-Nazaire par exemple) ;
• abattoirs (Marseille, Lyon...Casablanca)...
Représentant des réserves foncières importantes, elles constituent également une valeur
patrimoniale historique pour le territoire, ceux qui y vivent et qui sont « en devoir et en
droit » de les préserver et de les transmettre, surtout quand cela peut s’inscrire dans des
projets portés aussi bien par les pouvoirs publics que par les collectivités et associations
locales, ainsi que par des entreprises privées.
Leur reconnaître cette valeur patrimoniale est donc devenu une obligation et ce depuis le
milieu du siècle dernier, suite à l’impact sur les territoires occasionné par les changements
économiques.
Jerada : un centre minier
à 100 km de la Méditerranée,
et l’extrême nord-Est du Maroc
Un site historique unique
A 60 km au Sud d’Oujda, Jerada se trouve dans un synclinal hercynien du massif des Horst
de l’Oriental.
Dès 1908, et avant la signature du traité de Protectorat (1912), le géologue français Louis
Gentil, envoyé en prospection, relève les premiers signes du bassin houiller de Jerada. Le
gisement de charbon ne fut découvert qu’en 1927, globalement sur quelques 25 km d’Est
en Ouest et sur une largeur de 4 km du nord au Sud. Il était le premier et unique bassin de
charbon du Maroc et devait produire un anthracite de bonne qualité calorifère.
Son exploitation systématique, utilisant les moyens techniques modernes nécessaires
après le creusement et l’aménagement du premier puits, s’opère à partir de 1936.
Une ville minière & une mosaïque de populations
Le site se trouve dans un pays d’éleveurs (transhumants le plus souvent) et d’économie extensive, à la convergence des tribus bni yaala, zkara, Oulad Sidi Ali bouchnafa, bni Guil, et bni Mathar, qui lui fournissent sa première main d’œuvre. Jerada devait également recevoir des bras venus des lointains Haouz (Marrakech) et Souss (Taroudant, Tiznit) ou de plus près, de Taza ou encore du pays Guelaya (nador), pour lui fournir sa population de « gueules noires ».
Ses cadres et sa maîtrise sont d’abord belges et français, puis marocains dès les années 60.
Son « urbanisme ségrégationniste », qui sépare cadres et maîtrise (européens) de la population « indigène » et ouvrière, se développe dès le début de l’aménagement du site.
Une ville créée ex-nihilo naît avec l’exploitation minière.