Seul sur Mars : un remake en Antarctique ?
La Planète rouge ne pardonne pas. Pour tous les prétendants à la colonisation, Seul sur Mars servira d'avertissement... mais aussi d'inspiration. Comme aucun astronaute n'a encore été laissé pour mort sur Mars, les scientifiques ont tout leur temps pour apprendre à maîtriser l'agriculture martienne sur Terre, en Antarctique. Ce qu'ils font.
Entre les projets de la Nasa et de SpaceX, Mars est sans doute la planète la plus convoitée du Système solaire. C'est sans doute pourquoi Seul sur Mars jouit encore aujourd'hui d'une popularité indéniable. Acclamé par les critiques à sa sortie, ce film brille tant par son réalisme qu'il a été approuvé par les chercheuses de la Nasa impliquées dans le programme d'exploration de Mars.
Effectivement, en séjour forcé sur la Planète rouge, l'astronaute Mark Watney, joué par Matt Damon, doit cultiver sa propre nourriture, ou mourir : une mission de sauvetage lancée depuis la Terre prendrait des mois, voire des années. De même, pour accomplir des missions habitées sur Mars, puis pour établir des colonies, les astronautes devront produire au moins une partie de leurs aliments et dans l'idéal, atteindre l'autosuffisance.
Abandonné sur Mars par ses coéquipiers, qui le croyaient mort, l’astronaute Mark Watney doit survivre coûte que coûte par ses propres moyens, jusqu’à l’arrivée de la prochaine mission de la Nasa. © Twentieth Century Fox France, YouTube
Apprendre à cultiver dans l’espace, de l'Antarctique à l'ISS
Par des températures de -20 °C, là où le soleil daigne à peine pointer à l'horizon, l'ingénieur Paul Zabel s'est improvisé jardinier. Confiné dans le laboratoire Eden-ISS, sous la direction du Centre allemand pour l'aéronautique et l'astronautique (DLR), il a passé plusieurs heures par jour à s'occuper d'un potager, non sans péripéties. « Après avoir semé les graines en février, j'ai dû affronter des problèmes inattendus, comme des pannes et la plus violente tempête depuis plus d'un an » raconte-il au Deustche Welle.
Ce récit ressemble à s'y méprendre aux aventures de Mark Watney, à ceci près que l'Eden-ISS se trouve en vérité en Antarctique. Ce laboratoire abrite une serre high tech, où Paul Zabel a cultivé divers légumes. En Antarctique, la serre protège logiquement le potager des basses températures. C'est aussi valable sur Mars, où les températures oscillent entre -133 et 17 °C : rappelons que le champ de pommes de terre de Mark Watney dans Seul sur Mars a gelé en quelques secondes à peine, suite à une brèche dans l'habitacle. Cependant, l'atmosphère martienne étant très fine, une serre aura également pour fonction de protéger les plantes des radiations du Soleil.
Les 70 radis, 18 concombres et 3,6 kg de laitue récoltés dans l’Eden-ISS en mars 2018 ont fait le bonheur des chercheurs stationnés à la base Antarctique Neumayer III située à quelques centaines de mètres de là. © DLR, Flickr
Sans lumière naturelle, ni sol, Paul Zabel et ses collègues sont parvenus à faire pousser des légumes dans un environnement contrôlé, sous éclairage Led, en utilisant des eaux usées recyclées pour irriguer et pour produire de l'engrais. Dans sa version plus extrême encore, ce concept d'agriculture hors sol, dit hydroponique, a eu son petit moment de gloire en 2015 lorsque les astronautes de l'ISS ont dégusté leurs premières salades cultivées en micropesanteur.
Des simulations de sol martien sur Terre
Après la salade, qui a l'avantage de pouvoir être consommée crue, la Nasa pourrait diversifier son potager extraterrestre. Selon Ray Wheeler, botaniste au Kennedy Space Center, il serait intéressant de cultiver des pommes de terre, des patates douces, du blé et du soja car ce sont des sources de glucides et de protéines. De plus, comme les pommes de terre sont des tubercules enterrés, ils pourraient fournir deux fois plus de nourriture que d'autres plantes avec la même quantité de lumière.
Ray Wheeler a entamé des recherches sur la culture hydroponique des pommes de terre dès les années 1980. Pour autant, ce procédé agricole ne figure pas dans Seul sur Mars. Au lieu de cela, Mark Watney plante ses pommes de terre dans la poussière martienne, que l'on appelle régolithe. Est-ce vraisemblable ? Oui, si l'on en croit les études réalisées dans des simulations de sol martien. D'ailleurs, ce serait même plus facile que de cultiver sur Terre car, grâce à la pesanteur plus faible, le sol de Mars retient plus facilement l'eau et les nutriments à proximité des racines des plantes. De quoi économiser d'importants volumes du précieux liquide.
Les astronautes de l’ISS ont fait pousser des salades en micropesanteur, dans le cadre de l’expérience Veg-01. Cette prouesse pourrait profiter aux futures missions habitées vers Mars. Les astronautes seraient en mesure de cultiver dans leur vaisseau spatial pendant le voyage, puis sur la Planète rouge elle-même, sachant que la pesanteur martienne vaut seulement 38 % de la pesanteur terrestre. © Nasa
Cependant, le régolithe martien contient des perchlorates et des métaux lourds potentiellement toxiques à forte concentration. En 2015, ce risque a coupé l'appétit des chercheurs de l'université de Wageningen, aux Pays-Bas, qui avaient cultivé pas moins d'une dizaine de légumes et herbes aromatiques différentes dans un matériau imitant le sol martien, originaire d'un volcan d'Hawaï. Fort heureusement, la récolte suivante, en 2016, été jugée comestible après analyse.
Au-delà de la valeur nutritionnelle des légumes et des fruits, la Nasa souligne que cultiver un potager est une activité relaxante, ce qui n'est pas anodin lors de séjours prolongés dans l'espace. Par ailleurs, les plantes peuvent aider à recycler l'atmosphère des habitacles et filtrer les eaux usées. L'enjeu est donc de taille. Mais si les recherches actuelles s'annoncent fructueuses, il reste encore du chemin à faire avant de garantir que les futures colonies pourront subvenir à leurs besoins sur Mars. Dans ces circonstances, on ne peut que saluer humblement l'exploit accompli par Mark Watney dans Seul sur Mars.
Seul sur Mars, réalisé par Ridley Scott, est sorti au cinéma en 2015, en DVD en 2016.
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Publié le 29/04/2018
Source web par : futura-sciences
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